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ou, si l’on veut, première complication ! M. le ministre des finances et la commission du budget avaient d’abord voulu donner à la taxe nouvelle sur les propriétés bâties le caractère d’un impôt de répartition : un amendement improvisé substitue la quotité à la répartition, et l’amendement est voté. Autre mécompte ! L’augmentation de taxe devait s’étendre à la masse des propriétés bâties, sans distinction : un amendement de M. Léon Say propose de dégrever toute une classe de bâtimens agricoles, et l’amendement est aussitôt adopté. Nouveau et plus grave mécompte ! Pour arriver à compenser le dégrèvement des propriétés non bâties, on avait fixé à 4 pour 100 du revenu imposable le taux de la taxe sur les propriétés bâties : un amendement propose de réduire ce taux à 3.20, et l’amendement est voté d’enthousiasme. Du coup, voilà l’équilibre disparu ! Quant au dégrèvement de la propriété non bâtie, il a été, bien entendu, voté quand même. Que reste-t-il donc du projet primitif ? Le principe de l’impôt, les combinaisons de taxe, l’équilibre rêvé, la discussion a tout emporté. Elle a paru plus d’une fois décourager le président de la commission du budget, M. Casimir Perier, cette terrible discussion ; elle a été de plus, pour M. le ministre des finances, une occasion d’offrir le spectacle de ses tribulations et de ses contradictions, de déclarer tantôt qu’il ne pouvait pas se passer de la compensation des propriétés bâties, tantôt qu’il s’en passerait tout de même, d’être un jour avec la commission du budget pour la répartition et de se rallier le lendemain à la quotité. Le tableau est complet ; la moralité de ces débats aussi est significative et n’a rien de trop rassurant !

Que ce dégrèvement de la propriété foncière par lequel on a voulu, comme on l’a dit naïvement, récompenser et rallier les masses rurales qui sont restées fidèles à la république, soit une justice et un bienfait, cela se peut ; qu’il doive tenir tout ce qu’il promet, c’est infiniment moins sûr. Il n’est même pas impossible que, tout compte fait, il ne profite aux grands propriétaires plus qu’aux petits, et qu’il n’aille contre le but qu’on s’est proposé ! Les doutes qui se sont élevés sont la meilleure preuve qu’une étude plus approfondie n’eût point été inutile. Mais ce qu’il y a de plus caractéristique et de plus grave dans ce singulier débat, c’est la substitution du principe de la quotité au principe de la répartition. C’est, à dire vrai, une révolution fiscale improvisée, réalisée comme une surprise dans le bruit d’une discussion décousue. Ce que c’est que l’impôt de répartition et ce que c’est que l’impôt de quotité, on le sait. Il y a entre les deux toute la différence d’un impôt impersonnel et anonyme, reposant sur un objet réel, sur la cote cadastrale, — fixé dans son ensemble par l’état, réparti au dernier degré par des délégués communaux, — et d’un impôt suivant la personne, mettant le contribuable directement sous la main de l’État, sous le coup d’une taxation variable, nécessairement arbitraire. Lorsque la révolution de 1789