Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de concordat d’ambitions rivales. Cela ne s’était peut-être jamais vu depuis qu’un pape faisait le partage idéal du nouveau monde entre l’Espagne et le Portugal. A procéder ainsi, on peut certainement préparer des complications pour l’avenir : on peut même, sans y prendre garde, créer dès ce moment des difficultés lorsque les droits nouveaux de conquête ou de suzeraineté qu’on s’attribue rencontrent d’autres droits, des droits réglés par d’anciens traités, comme c’est arrivé pour Zanzibar. C’est possible ; mais enfin, quels que soient les entraînemens de la politique coloniale, quelque zèle que mettent de grandes puissances à étendre et à sauvegarder leurs intérêts d’influence, il y a des transactions toujours possibles, et personne n’a pu supposer qu’un conflit dût naître entre la France et l’Angleterre à propos de Zanzibar. La difficulté, c’est que la France a un vieux traité avec l’Angleterre garantissant l’indépendance du sultan de Zanzibar et que l’Angleterre a aujourd’hui avec l’Allemagne un traité nouveau par lequel elle prend le protectorat de Zanzibar. Si la France fait à l’Angleterre le sacrifice de son vieux traité en faveur du traité nouveau, c’est bien le moins qu’elle trouve à son tour quelques compensations. Voilà toute la question ! Elle ne pouvait être résolue que par une négociation qui s’est immédiatement ouverte en effet, sans vaine affectation de la part de la France, sans subterfuge et sans contestation de la part de l’Angleterre. Quels seront maintenant les élémens de la transaction qui se négocie, sur laquelle l’entente paraît déjà à peu près faite entre Paris et Londres ? La France, dit-on, ferait reconnaître et régulariser son protectorat à Madagascar ; elle assurerait aussi l’extension et la délimitation de sa zone d’influence dans le centre de l’Afrique. Ce sont les conditions essentielles. Ce qui est certain, c’est que tout cela se passe assez simplement, que s’il y a eu quelque difficulté, les relations de la France et de l’Angleterre n’en sont pas atteintes, que les ministres de la reine, à l’occasion de la cession d’Héligoland, ont désavoué une fois de plus tout engagement secret avec l’Allemagne, — et qu’en définitive rien n’est changé en Europe.

Le danger de ces affaires complexes qui touchent à tant de situations, à tant de politiques, est toujours de soulever une foule d’autres questions délicates, de mettre en mouvement les ambitions, les rivalités, les arrière-pensées. Que l’Italie, dans cette distribution universelle de territoires lointains, veuille avoir son rôle ; qu’elle négocie de son côté avec l’Angleterre pour avoir, elle aussi, sa zone d’influence dans cette partie de l’Afrique où elle est allée camper, rien de mieux assurément. L’Italie veut avoir sa politique coloniale ; elle fait même revivre dans ses protocoles des noms oubliés, l’Ethiopie, l’Erythrée : soit ! Les nations jeunes ont le droit d’avoir de l’ambition. Ce n’est cependant pas une raison pour réveiller cette question de Tunis qui depuis quelques jours a remis les esprits en campagne et est redevenue