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droite, celle de voltigeurs couvrait les avant-postes de gauche. Celle-ci s’était barricadée dans un santon (sorte de chapelle arabe) isolé.

Dès le point du jour, l’ennemi commença à tirailler, et le feu continua toute la journée, sans grands résultats. On se tâtait !

Le 28 juillet, dès le matin, nous vîmes appareiller l’escadre légère des ennemis, qui se partagea en deux divisions. Elles vinrent mouiller près de la côte de façon à pouvoir croiser leurs feux sur le village. Aussitôt qu’elles furent mouillées, elles ouvrirent sur nous un feu très vif, et, en peu d’instans les maisons qui nous protégeaient furent criblées. Le fort tirait aussi sur notre front, de façon que nous étions canonnés de trois côtés.

Après que l’on eut ainsi préparé leur attaque, les Turcs se portèrent en avant et attaquèrent nos postes bravement. Nous les reçûmes de même et les contînmes. Mais bientôt nous nous aperçûmes qu’ils cheminaient, à droite et à gauche de la rue que nous occupions, ce qui était facile dans des maisons en terre. Ils avaient fait communiquer toutes les maisons d’un même côté, par une longue galerie, et s’étaient ainsi avancés à couvert jusque sur nos derrières. (Nous ne connaissions pas ce genre d’attaque.) Quand ils nous eurent ainsi tournés, ils percèrent des créneaux dans ces maisons et ils nous tiraient de là à bout portant. En peu de temps, la compagnie de grenadiers perdit deux officiers et la moitié de son effectif. Je fus envoyé près du commandant de la réserve du bataillon, pour lui faire part de notre situation qu’il ne pouvait voir, et lui dire que, si l’on ne portait pas promptement du secours à cette compagnie, elle était complètement perdue. Le commandant Nugues, qui commandait la réserve, voulut voir par lui-même et me dit de le guider. En arrivant près de nos postes, on nous tira plusieurs coups de carabine des terrasses des maisons. Le colonel Darmagnac, commandant la 32e, arrivait au même moment. Il me dit :

— D’où tire-t-on ?

— De cette maison, répondis-je, en allongeant le bras pour la désigner.

Le commandant regarde par-dessus mon épaule. Un coup part ; la balle perce le parement de ma manche, suit mon bras, sans le toucher, et tue raide le commandant Nugues. Le colonel me dit : « Engagez les grenadiers à tenir bon, je vais vous envoyer du secours. » Je repartis.

Quand j’arrivai à la compagnie ; elle était de plus en plus compromise. Les Turcs nous tiraient, des terrasses au-dessus de nos têtes, des maisons voisines, à bout portant ; un instant après, toutes nos communications étaient coupées. Presque tous nos grenadiers