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une amélioration assez sérieuse pour être, tout au moins, examinées, les ouvriers des élévateurs n’ayant jusqu’alors gagné que 6 schellings par jour ; les grévistes répondirent à cette tentative de conciliation en faisant savoir aux négocians que la paie de 7 schellings à la journée devait s’étendre aux travailleurs du pont et de la cale ; en outre, l’association patronale était mise en demeure d’accepter, pour le règlement des conflits futurs, les dispositions insérées dans le code de l’Union ouvrière et de consentir à la réduction du travail de nuit qui cesserait dorénavant à quatre heures du matin et ne durerait plus, par conséquent, que neuf heures au lieu de dix. Enfin, les patrons n’emploieraient plus, à l’avenir, que des hommes appartenant au syndicat.

Le commerce ayant refusé de se soumettre, c’est alors que la lutte s’est engagée. Brusquement, le nombre des hommes ayant cessé le travail s’est élevé à 30,000. Les efforts les plus énergiques sont faits par les unionistes pour entraîner dans le mouvement et gagner à leur cause les marins et les chauffeurs. Se figure-t-on le grand port de Liverpool manquant d’hommes pour charger et décharger les navires, de matelots pour les manœuvrer, d’ouvriers pour les machines ? En attendant, la manifestation envahit la rue ; des bandes de grévistes, portant des bannières, circulent silencieusement, s’arrêtent et discourent sur la place publique. Des délégations sont envoyées au maire, l’agitation est partout, le commerce et la navigation sont arrêtés. Des auxiliaires que les armateurs se sont hâtés de faire venir des villes voisines repartent, refusant l’ouvrage ou s’y mettent lentement, sans expérience et aussi sans ardeur. D’ailleurs, aucun désordre ; quand on songe à ce qui se passe, dans des cas semblables, sur le continent, la protestation muette des travailleurs anglais prend un caractère singulièrement instructif. La grève s’étend visiblement et il suffit de parcourir la ligne des docks pour se faire une idée des résultats lamentables qui en sont la conséquence. Les quais sont encombrés de marchandises abandonnées ; des vapeurs partent sur lest, personne ne s’étant présenté pour procéder aux opérations de chargement. D’autres vont débarquer leur cargaison dans les ports voisins. Les relations si régulières que l’Angleterre entretient avec la Chine subissent un temps d’arrêt ; il n’est pas jusqu’aux rapports de Liverpool avec l’Irlande qui ne se trouvent interrompus.

Le cri est général : la situation ne peut pas durer ; on se demande s’il ne serait pas possible de déférer à un arbitrage le conflit qui s’est élevé entre le capital et le travail. Il n’aurait pas fallu remonter bien loin pour trouver des solutions de cette nature. En 1872, le maire de la ville consentait à servir d’arbitre entre le