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redoutable, commencée aux premiers jours d’octobre 1806, et qui venait d’être provisoirement fermée au mois de juillet 1807, la situation violente de l’État, les périls qui menaçaient son existence même, avaient semblé dominer et absorber tous les esprits. C’est cependant durant cette crise que mûrirent, que se fixèrent les pensées et les projets de réformes. Même à cette époque, où les espérances lointaines semblaient interdites, où il ne paraissait plus y avoir place que pour le découragement et l’abandon, les patriotes prussiens ne désespérèrent point de relever l’État allemand au lendemain du désastre, et de relever par lui la nationalité allemande. Ils comprirent tout de suite que ce résultat ne pourrait être atteint, et il ne fut atteint, en réalité, qu’à la suite d’une transformation intérieure.

Cette œuvre a fait, en Allemagne, l’objet de discussions passionnées et d’études qui apportent chaque jour, pour la connaissance des faits et des hommes, des élémens nouveaux. L’histoire a joué, de tout temps, un rôle considérable au-delà du Rhin ; les travaux historiques ont été naguère plus qu’un indice, ils ont été un élément du mouvement unitaire. C’est surtout à l’époque dont nous parlons, époque si décisive pour la nationalité prussienne, que s’est attachée l’école historique.

Elle a apporté à cette étude tantôt la passion et les sévérités du sentiment national, tantôt et récemment surtout, la préoccupation dynastique et le parti-pris d’excuser le faible monarque qui portait alors en Prusse le fardeau du pouvoir. Elle y a apporté constamment le désir d’opposer aux États de la confédération du Rhin, qui recevaient docilement l’empreinte des institutions politiques de la France, — le type d’un État allemand qui n’ait rien dû qu’à lui-même, qui ait su faire à lui seul, au seuil de l’époque contemporaine, la transformation de son état social et la refonte de son état politique.

Ce contraste est beaucoup plus apparent que réel. La reconstitution intérieure de la Prusse a été étroitement liée à un mouvement de haine ardente et passionnée contre la France, à un réveil de la nationalité dont l’on ne saurait retrouver la trace dans le reste de l’Allemagne. Mais, quelque effort qu’aient fait les historiens et les réformateurs prussiens eux-mêmes pour donner à cette œuvre l’apparence, non-seulement de l’hostilité contre la France, mais aussi de l’opposition aux idées françaises, il n’est pas difficile d’y dégager l’influence pénétrante du grand mouvement politique dont la France avait été l’initiatrice.

Les idées du XVIIIe siècle, à l’expansion desquelles l’esprit français avait donné tant d’éclat, avaient envahi l’Allemagne, de Frédéric II à Schiller et à Goethe. La Révolution française y avait