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étendue sur 1 million d’acres en plus. Si nous consultons enfin la récolte de blé de 1884, nous constatons que la surface cultivée de cette sorte de grains s’élevait à 3 millions d’acres de plus qu’en 1883 ; qu’elle a produit un rendement supérieur de 93 millions de boisseaux ; et que pourtant l’exercice agricole s’est liquidé par 53 millions de dollars de recettes en moins.

De tous ces chiffres officiels, il apparaît nettement que la surface cultivée s’est largement accrue, que la somme de travail produit s’est augmentée proportionnellement au nombre croissant des nouveaux immigrans ; mais que, en revanche, le prix de vente des produits agricoles a diminué en raison inverse de leur développement. A quoi attribuer cette dépréciation inquiétante et continue ? Pour la majeure partie, à un excès de production. Le fermier américain, grisé par le succès des seize années durant lesquelles il avait écrasé les marchés d’Europe sous le poids de ses exportations rémunératrices, a perdu de vue les concurrens qui se levaient dans l’Amérique du Sud, comme aux Indes, pour lui disputer sa clientèle : en outre, il s’est imaginé les besoins de cette clientèle insatiables. La loi brutale de l’offre et de la demande l’a rappelé aujourd’hui à la réalité ; mais sa situation s’est doublement aggravée. S’il vend bon marché, nous l’avons dit, il achète très cher. Les tarifs ultra-protectionnistes imposés au congrès par les industriels de l’Ouest, et à leur profit, pèsent bien lourdement sur le fermier. Machines aratoires, indispensables pour suppléer au manque de bras, outils agricoles, vêtemens, cuire, enfin tout objet manufacturé est taxé de 30 à 45 pour 100 ad valorem. Depuis 1883, la taxe s’est retournée contre les campagnes.

La conséquence de ce régime est facile à deviner. Dès 1886, la dette hypothécaire des États-Unis s’est brusquement élevée jusqu’à 14 milliards de francs : depuis lors, la situation n’a fait qu’empirer par l’accumulation des intérêts en retard. Ceci explique fort bien comment l’énorme dette fédérale, issue de la guerre, a pu s’amortir avec une rapidité qui a provoqué l’admiration et l’envie de l’Europe : mais sous les fleurs, on retrouve l’aspic. Le trésor publie chaque jour le chiffre officiel des recettes fédérales sous la double rubrique, douanes, customs et revenus intérieurs, internal revenue. Or la moyenne journalière des revenus intérieurs dépasse 2 millions 500,000 francs, montant des taxes foncières et autres. Aussi, les exercices budgétaires se soldent-ils depuis plusieurs années par des excédens de numéraire en caisse variant de 90 à 110 millions de dollars. La dette chirographaire, par des rachats continus du trésor, a baissé et s’est réduite presque à rien ; mais la dette hypothécaire a monté, et cela, dans des proportions qui constituent