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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

« Tout à la paix, » tel est le thème sur lequel d’infinies variations ont été exécutées depuis la fin du mois dernier, à peu près partout en Europe. L’air a été chanté avec une virtuosité brillante par le marquis de Salisbury à l’occasion de la signature de l’arrangement anglo-français, suivant de si près celle de la convention anglo-allemande. L’empereur Guillaume a repris lui-même la chanson à Ostende et en Angleterre, et c’est pour un nouvel hosannah de la paix qu’il va rendre visite d’ici peu de jours au tsar et se rencontrera le mois prochain avec l’empereur d’Autriche. Le tsar, à son tour, malgré la note qui avait paru comminatoire, adressée au sultan à propos de l’octroi des bérats aux évêques bulgares, a entonné, dans sa lettre au général Vannowski, l’hymne de la paix. Le gouvernement bulgare, enfin, satisfait d’avoir triomphé par l’obtention de l’investiture de deux évêques bulgares en Macédoine, a eu la magnanimité de déclarer qu’il n’entendait pas aller plus loin, que M. Stamboulof renonçait pour l’instant à proclamer l’indépendance de la principauté et à poser une couronne sur la tête de Ferdinand de Cobourg.

L’Europe est donc plus rassurée que jamais et la sécurité est telle que certaines dépêches (d’origine berlinoise ou viennoise, il est vrai) prêtent au tsar l’intention de réduire d’une année le temps de service dans la plus grande partie de son armée. Ce serait en quelque sorte le signal, le point de départ du désarmement rêvé.

Cette impression générale que la cause du maintien de la paix a encore gagné en force depuis deux ou trois semaines, s’est traduite sur le terrain financier par la hausse des fonds publics. Après avoir monté si longtemps et atteint déjà des niveaux si élevés, ces fonds ont pu monter encore, l’abaissement du taux de capitalisation ne paraissant pas avoir dit son dernier mot.

Vainement la Banque d’Angleterre a élevé le taux de son escompte à 5 pour 100, tandis que la révolution faisait rage à Buenos-Ayres où sont engagés de si gros intérêts européens ; la hausse des fonds s’est produite en dépit de tous les obstacles, par la seule force de l’accumulation des capitaux disponibles et de l’affermissement de la croyance dans le maintien de la paix. Les manifestations les plus remarquables de l’intensité de ce courant d’opinion sont, depuis la fixation des derniers cours de compensation, les modifications de prix suivantes :

Pour les fonds français, hausse de 1 fr. 60 sur le 3 pour 100, de