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révélé l’existence d’un exemplaire des Maximes « enrichi, disait-il, de notes attribuées à Mme de La Fayette, » et qui lui aurait été communiqué par M. de Cayrol, membre de la chambre des députés sous la restauration et bibliophile bien connu. En réalité (le catalogue de sa bibliothèque, vendue en 1861, en fait foi), M. de Cayrol n’avait fait que transcrire ces notes sur une édition de 1678, d’après un autre exemplaire où il les avait trouvées en original, mais qui n’était pas demeuré sa propriété. M. Aimé Martin avait fait choix, d’après l’exemplaire Cayrol, d’un certain nombre de ces notes (exactement trente-huit), qu’il comptait joindre à son édition. Mais il fut pris sans doute de scrupule, car il n’y a, dit Brunet dans son Manuel du libraire, que vingt-trois exemplaires de l’édition Aimé Martin auxquels on les trouve jointes. Dans l’édition des Maximes préparée par Duplessis, que le libraire Jannet a fait paraître en 1853, ces notes sont attribuées à un contemporain, l’attribution à Mme de La Fayette ayant paru hasardée à Duplessis. Mais Duplessis ne s’est pas borné au choix d’Aimé Martin, et il les a toutes publiées, vraisemblablement d’après l’exemplaire de Cayrol. Dans sa Vie de Mme de Sablé, publiée en 1858, M. Cousin s’est inscrit en faux contre la tradition qui attribuait ces notes à Mme de La Fayette en donnant des raisons dont je discuterai tout à l’heure le bien fondé. Mais il reconnaissait n’avoir jamais eu communication de l’original de ces notes et n’en juger que par le choix d’Aimé Martin ; la publication de Duplessis semble lui avoir échappé. Plus heureux que M. Cousin, et probablement que Duplessis, j’ai entre les mains, à l’heure où j’écris, l’exemplaire d’après lequel M. de Cayrol a copié ces notes. Je le tiens d’un aimable et érudit bibliophile en la possession duquel le hasard des ventes publiques l’a fait parvenir il y a longtemps déjà, et qui ne me permet point de le nommer. Sur la garde de ce petit volume est écrit, d’une encre et d’une écriture évidemment très anciennes : « Peu de temps avant sa mort, Mme de La Fayette, en relisant les Maximes de La Rochefoucauld, avec lequel elle avait été liée de l’amitié la plus étroite, écrivit en marge ses observations. Cet exemplaire a été trouvé, à la mort de M. l’abbé de La Fayette, son fils, parmi les livres de sa bibliothèque. » Ainsi ce n’est pas, comme l’a cru M. Cousin, une tradition plus ou moins vague, c’est une affirmation formelle qui attribue à Mme de La Fayette les observations écrites en marge de ce petit volume et qui indique l’origine du volume lui-même, affirmation dont il n’y a aucune raison de suspecter la bonne foi. Ce qui demeure nécessaire, c’est d’en démontrer le bien fondé. J’exposerai dans un instant les raisons qu’il y a, tout à la fois, d’en douter et d’y croire, mais je serai plus à mon aise pour le faire si l’on me permet à ce propos de remettre pour un instant en scène