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I. — LA SÉRICICULTURE.

La sériciculture française, qui date du XVIe siècle et fut longtemps-florissante, est une des branches les plus originales de notre agriculture. Malgré sa décadence, elle occupe encore près de cent cinquante mille personnes dans les départemens du Gard, de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, du Var, de la Drôme, de l’Ardèche, des Basses-Alpes et des Pyrénées-Orientales. Travail délicat, aléatoire, ruineux ou lucratif suivant les variations de la température, d’une durée très courte (quarante jours seulement), l’élevage du ver à soie est, pour la plupart des familles qui l’exercent, une ressource accessoire, complémentaire. Le plus souvent les femmes et les jeunes filles sont chargées de cette éducation, qui n’exige aucune force, mais beaucoup de patience, d’activité, de soins et de précautions. La sériciculture n’est point, on le sait, un travail des champs, mais une sorte d’agriculture en chambre. Dans les départemens languedociens, provençaux et dauphinois où l’on s’y livre, la population des villes y participait autrefois autant que celle des campagnes, et encore aujourd’hui dans certaines localités, il n’est guère de petit propriétaire ayant une pièce vide qui ne s’empresse d’y installer des claies et d’élever des vers à soie.

Les opérations commencent par l’éclosion des œufs conservés pendant l’hiver dans des chambres froides et sèches, éclosion qui s’opère dans les appareils dits couveuses où l’on élève progressivement la température de 12 degrés à 23 degrés. L’éclosion a lieu au bout de vingt-cinq à trente jours en avril ou en mai. La chenille sortie, on la place sur des rameaux de mûrier et on la transporte dans la magnanerie ou chambre remplie d’étagères portant des claies superposées et distancées de 40 centimètres. Cette pièce doit être tenue à une température égale et bien aérée. Entre l’éclosion et la formation complète du cocon qui a lieu au commencement de juin, s’écoule une période de vingt-huit à trente-deux jours pendant laquelle le ver, nourri avec des feuilles de mûrier, change quatre fois de peau, puis file le cocon où il se transformera en chrysalide. Au bout de huit jours, le filage est terminé, la chrysalide formée, la magnanière peut enlever le cocon qui est parfait et le porter au marché.

En considérant la simplicité apparente de ces opérations, le peu de capitaux et la courte durée du travail qu’elles exigent, on est tenté de se demander comment la sériciculture n’est pas plus répandue et plus prospère. La culture de la soie a été, en effet, pendant longtemps très lucrative, et elle l’est encore en Italie, puisque