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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/182

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retarder. C’est donc dans une autre voie que la sériciculture française doit chercher pour le moment une augmentation de ses ressources. Une seule voie lui reste ouverte, celle du progrès agricole et industriel.

La sériciculture française est arrivée à posséder, après de coûteuses épreuves, des graines de premier ordre. Ses vers à soie lui reviennent très cher, trop cher, mais la plupart sont sains et vigoureux. Grâce à la méthode Pasteur, qui consiste à isoler les couples de papillons, à les examiner au microscope pour distinguer les vers sains des malades, nos graineurs peuvent livrer aux magnaniers des races de vers fécondes et robustes, et leurs graines sont à ce point estimées qu’on les recherche au dehors. De 475,000 onces en 1884 nos graineurs sont arrivés en 1889 à une production de 942,024 onces. Nous exportons annuellement en Italie et en Orient plus de 300,000 onces d’œufs de vers à soie. Le grainage est même devenu assez productif pour s’être constitué à l’état d’industrie spéciale dans plusieurs départemens : le Var, la Corse, les Basses-Alpes et les Pyrénées-Orientales. Peut-être même est-ce en partie à nos exportations de graines qu’est dû le relèvement si rapide des séricicultures italienne et levantine, relèvement dont nos éleveurs souffrent et qu’ils attribuent exclusivement au bas prix de la main-d’œuvre étrangère, bien à tort, comme on voit.

Ainsi, du côté des élémens directs de production, la France n’a rien à envier à l’Italie, et ce n’est point une infériorité générale des types producteurs que notre sériciculture peut accuser de sa décadence. Si, après la grande crise qui a suivi la maladie des vers à soie, la France séricicole s’est relevée moins vite que l’Italie et n’a pas encore retrouvé son ancienne prospérité, cela tient à d’autres motifs. La cause en est dans l’élévation du prix de la main-d’œuvre, disent les uns, dans l’insuffisance du nombre des mûriers et le peu de progrès réalisé dans les méthodes d’élevage du ver à soie, disent les autres. Les trois causes ont leur part d’action, mais le fait certain est que les deux dernières peuvent être supprimées et que leur suppression suffirait pour rendre à la production française des jours meilleurs.

Nos paysans du sud-est, il faut bien le reconnaître, ont traversé, comme jadis les Égyptiens, une série extraordinaire d’années grasses et d’années maigres. S’ils n’ont pas montré la ténacité, la patience de leurs voisins d’Italie, c’est qu’ils avaient été gâtés, au milieu de ce siècle, par de bonnes fortunes que l’agriculture a rarement connues et qu’elle ne connaît plus nulle part. On ne se souvient pas assez de l’aisance et même de la richesse qui régnait dans notre basse vallée du Rhône il y a quarante ans. La maladie des vers à soie n’était pas encore venue ravager les