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C’est en ces termes que Pascal, dans l'intérêt de la bonne cause et de la vérité, prenait acte, au commencement de la troisième lettre, de l'éclatant succès des deux premières ; chaque lettre se vendait deux sols.

Les amis de l'ascal lui firent lire Escobar ; l'étonnement fut sincère. « Il n'est rien de tel que les jésuites, dit-il au début de la quatrième lettre. J'ai bien vu des jacobins, des docteurs et de toute sorte de gens ; mais une pareille visite manquait à mon instruction. Les autres ne font que les copier. Les choses valent toujours mieux dans leur source. »

La guerre aux jésuites est déclarée ; tous les coups, désormais, seront pour eux.

Le talent ne pouvait grandir ; mais le succès redoubla. Le sujet nouveau touchait au scandale. Pascal n'avait plus à se faire comprendre, mais seulement à se faire admirer. Dans le parallèle des anciens et des modernes, Perrault nous fait connaître l'opinion des juges impartiaux.

« — Voilà donc Lucien et Cicéron, que vous reconnaissez pour d'habiles gens en fait de dialogues ; quels hommes de ce siècle leur opposez-vous ?

« — Je pourrais leur opposer bien des auteurs qui excellent aujourd'hui dans ce genre d'écrire, mais je me contenterai d'en faire paraître un seul sur les rangs, c'est l'illustre M. Pascal, avec les dix-huit Lettres provinciales. D'un million d'hommes qui les ont lues, on peut assurer qu'il n'en est pas un qu'elles aient ennuyé un seul moment.

« — Je les ai lues plus de dix fois, et, malgré mon impatience naturelle, les plus longues ont toujours été celles qui m'ont plu davantage.

« — Tout y est pureté de langage, noblesse dans les pensées, solidité dans les raisonnemens, finesse dans les railleries, et partout un agrément que l'on ne trouve guère ailleurs. »

Les jésuites avaient excité bien des haines, pour les autres ordres religieux, pour le clergé régulier et pour les laïques ; quand ils ne les gouvernaient pas, ils étaient l'ennemi commun. Nouveaux-venus au XVIe siècle, ils avaient disputé des positions prises. Les évêques, les curés, les religieux des autres ordres trouvaient en eux de dangereux rivaux. Leurs institutions recommandaient aux supérieurs de ne pas blesser les membres du clergé ordinaire par l'usage de leurs privilèges. Caveant ne in usu hujus facultatis ordinarios offendant. Pour tourner en argument contre eux cette invitation sage et prudente, un de leurs plus ardens adversaires a ajouté, en la traduisant, le mot trop, qui n'est pas dans le texte. Ils doivent se garder de trop offenser le clergé régulier. Qu'ils