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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/348

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du ministre de la guerre. Voyez le général Avezzana. C’est lui qui commande la défense ; lui seul peut vous accorder ce que vous demandez. » Le général se tenait de sa personne au Quirinal. C’était à deux pas : j’y courais. Je déclinai mes qualités et j’étais introduit. Avezzana, l’ex-triumvir génois, était un homme dans la force de l’âge, de taille moyenne et d’une puissante carrure. Son visage, d’expression rude, était gravé de la petite vérole, et son verbe avait quelque âpreté. Il me répondait en gros ce que l’on m’avait dit chez les triumvirs ; et ne m’ayant point convaincu, il ajoutait : « Mais il vous faut des chevaux, et ils sont tous réquisitionnés pour le service de l’artillerie. » — « Ne pouvez-vous nous en donner, vous, général ? » — « Non, cela dépend du colonel Lopez… Il a son quartier au fort Saint-Ange. » C’était me refuser. Mais il importait de ne rien omettre. Je partais aussitôt, je montais jusqu’en haut du fort, et là, dans une petite chambre voûtée en casemate et remplie de lumière, je trouvais le colonel. Jamais je ne m’étais rencontre avec quelqu’un de plus charmant. Sous le pontificat de Grégoire XVI j’avais vu quelques-uns des jeunes monsignori attachés à la cour papale. On ne pouvait qu’être frappé de la grâce de leurs manières, de leur exquise urbanité, de leur finesse délicate et pénétrante. Plusieurs joignaient à ces qualités les dons de la figure. Tel était le colonel Lopez avec sa distinction et sa politesse accomplie. Je lui répétais fidèlement mon discours. Il m’écoutait aimablement, en faisant de la tête des signes d’assentiment. « Combien avez-vous de voitures ? Veuillez me faire la grâce de me montrer votre passeport ? » — « Nous n’avons pas de passeport. » — « Ah ! disait-il, c’est la première chose. Allez vite au palais Madame en demander un à Marioni. » J’allais encore, mais il fallait attendre. La nuit arrivait, j’errais dans les cours, dans les escaliers, dans les salles remplies de gens fort animés, facilement reconnaissable comme Français, regardé de très près, mais sans aucun contact fâcheux. Après plusieurs heures, je voyais le chef de la police. J’expliquais de nouveau… « Monsieur, m’était-il aussitôt répondu, avant de délivrer un passeport, il nous faut l’autorisation des triumvirs. » Réponse prévue tout à fait correcte, et qui établissait bien notre situation. Évidemment, rien de cela n’était prémédité ; mais nous savions désormais avec qui nous devions traiter. Je me soumettais donc, |j’allais rendre compte à mon directeur ; et patiemment je retournais à la Consulte et je cherchais à joindre Mazzini.

On ne dormait guère alors et l’on trouvait toujours quelqu’un à qui parler. En vingt-quatre heures, tout s’arrangea. Par lettre du 6 mai, le triumvirat déclara ne voir aucun empêchement à ce que