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ce qui venait des provinces polonaises récemment acquises et restituées au grand-duché de Varsovie ; on avait congédié aussi tout ce qui venait des provinces cédées à Tilsit. Mais ce qui restait, c’est-à-dire les officiers originaires des provinces centrales, véritable pépinière de la noblesse militaire, représentait un effectif beaucoup plus considérable que celui dont on pouvait assurer l’emploi. Sur les 7,121 officiers de l’ancienne armée prussienne, on n’avait pu en conserver, en juillet 1808, que 1,638 en activité. Le reste était en demi-solde, touchant parfois le cinquième des anciens traitemens. Il avait fallu assurer aux officiers subalternes, dans un grand nombre de cas, une ration de pain. L’on avait vu d’anciens officiers, congédiés par la voie du sort, condamnés à fendre du bois, à exercer des métiers manuels. L’on avait dû réduire, parfois de moitié, le traitement des officiers restés au service, supprimer la viande de la nourriture de la troupe.

L’on imagine facilement qu’une semblable situation était peu propice aux projets de réorganisation. L’on avait bien reconstitué sur le papier une armée de 50,000 hommes, à six divisions. Mais tant que le pays était occupé, cette réorganisation devait rester en suspens. L’armée était demeurée dans l’état où l’avait laissée la campagne de 1807 ; les débris de l’ancienne organisation, les corps nouveaux, rassemblés à la hâte, formaient trois groupes principaux, — un corps de 30,000 hommes dans la Prusse orientale autour du roi, le même qui avait fait, sous la direction de Scharnhorst et de Lestocq, la campagne de Pologne, — un corps de 10,000 hommes en Poméranie aux environs de Colberg, sous les ordres de Blücher, — un autre corps en Silésie, de 10,000 hommes aussi environ, le noyau des formations qu’avait organisées Götzen. Il était impossible de réorganiser sérieusement ces corps tant que la Prusse demeurait dans l’état d’incertitude que Napoléon prolongeait à dessein.

De ces extrémités cependant sortit l’une des mesures qui contribuèrent le plus à préparer la revanche militaire de la Prusse. Scharnhorst reprit, durant cette période si agitée de l’été de 1808, le projet qu’il avait conçu en juillet 1807 aussitôt après Tilsit, et le fit sanctionner par l’ordre de cabinet du 6 août 1808. On réduisit dans une large mesure l’effectif des compagnies, et l’on appela successivement les cantonistes demeurés dans leurs foyers à s’exercer durant un mois au régiment. Il fut également décidé que chaque régiment détacherait un certain nombre d’officiers qui se rendraient durant les jours fériés dans le canton du régiment pour y exercer les hommes en congé de l’ancienne armée.

Les partisans du service obligatoire prenaient ainsi largement leur revanche sur l’échec que leur avaient imposé la volonté du roi