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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/50

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Les parens du pieux étudiant Fernand l’ont confié au professeur Bartholo. L’épouse de Bartholo, Padilla, jeune, jolie et coquette, se montre bienveillante pour Fernand ; il se croit en danger, et ne se trompe pas. Il consulte Escobar. Doit-il renoncer aux leçons de Bartholo, imposer à ses parens un nouveau sacrifice ? Faire planer par sa fuite, dont il faudra leur dire le motif, des soupçons injurieux sur Padilla ? Les regards qui l’inquiètent sont peut-être innocens, et dans les phrases à double sens il est charitable d’adopter le meilleur. Escobar l’engage à ne pas fuir. « On ne va pas à Dieu avec des pas, a dit saint Augustin, mais avec une volonté courageuse et forte. » Il faut demander la grâce de bien combattre, et pour triompher des tentations, redoubler de zèle pour l’étude, Fernand restera donc exposé au péril qui, suivant les paroles du sage, peut donner la mort aux plus courageux. Escobar écrit sur ses tablettes :

« On ne doit pas refuser l’absolution à ceux qui sont engagés dans des occasions prochaines du péché quand ils ne pourraient les quitter sans bailler au monde sujet de parler ou sans en recevoir d’incommodité. »

Saint Thomas n’est pas plus sévère. Il conseille d’éviter de se rencontrer avec la personne qui fait naître les tentations, de les combattre et de ne pas rendre les occasions si fréquentes qu’elles soient un péché.

Le professeur de morale de Salamanque, en 1493, était plus précis et plus large : « Si ceux, qui, par nécessité, se trouvent engagés à demeurer dans un même logis et qui sont pris d’amour, se confessent, se repentent, promettent de s’abstenir et toutefois retombent, peut-on les absoudre sans les séparer ? « Il répond que si la résistance est telle qu’elle obtienne quinze ou vingt fois plus de victoires que de chutes, on doit les absoudre sans séparation.

Le père Bauny a copié le professeur de Salamanque, et l’indignation de Pascal n’a foudroyé que le jésuite.

— Le beau Fernand brille dans les luttes de l’école. Ses argumens subtils réduisent un adversaire au silence ; l’adversaire répond par un soufflet. Fernand n’ignore pas qu’il a été ordonné de tendre l’autre joue et que Dieu lui en saurait gré ; il devine même, chance heureuse, que cet acte de vertu rendrait moins doux et moins dangereux les regards de Padilla ; il sait aussi que, dans le monde, celui qui a reçu un soufflet est réputé sans honneur jusqu’à ce qu’il ait tué l’offenseur. Si, sans désir criminel de vengeance, il peut satisfaire au respect humain et suivre la loi du siècle, il se risquera. Il consulte Escobar :

« La piété et l’honneur, répond le père, ne sont opposés qu’en apparence. Les innocens, sans cela, exposés chaque jour à de nouvelles insultes, resteraient sans défense contre la malice des