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II.

Les ouvrages qui nous apprennent, en détail, les faits et les paroles de Jésus, sa naissance, sa vie et sa mort, sa doctrine, ses institutions, son œuvre, sont peu nombreux : quelques lettres écrites par les apôtres, quelques chapitres des Actes, et principalement les quatre livres connus sous le nom d’Évangiles canoniques.

Malgré leur petit volume, ces écrits sont d’une richesse inépuisable pour l’abondance des faits et des paroles qu’ils rapportent. Leur premier mérite, comme documens, est leur ancienneté. Rédigés dans les années qui suivirent les événemens, ils sont l’expression simple et véridique des souvenirs qu’avaient laissés dans l’âme des disciples l’enseignement, les préceptes, les exemples, la personne du Maître disparu. Deux années et demie d’un perpétuel contact avec lui les avaient peu à peu transformés. Une des œuvres essentielles de Jésus, celle qui primait toutes les autres et sans laquelle les autres ne pouvaient aboutir, était de graver dans la conscience de ses apôtres son image fidèle et vivante. Ne devaient-ils pas l’annoncer à toute créature? et, pour l’annoncer, ne devaient-ils pas le connaître? Lui seul pouvait les instruire.

Il ne leur a rien caché ; il les a traités, comme il le leur disait, en amis. Il s’est ouvert à eux pleinement. Ils ont reconnu en lui le Fils unique du Père et le Fils de l’homme ne de la femme, entendu ses paroles de sagesse et de sainteté, vu le ciel ouvert sur sa tête et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme; ils ont été les témoins de sa puissance irrésistible et divine ; ils ont compris la raison cachée de ses souffrances, de ses douleurs, de sa faiblesse volontaire, de son insuccès auprès de la nation élue et de sa mort ; ils ont vu aussi la gloire du Ressuscité, gloire dont l’éclat, voilé au monde, fut réservé aux seuls disciples; ils ont été envahis intérieurement et visiblement par son Esprit. Revêtus de cette force surhumaine, ils se sont sentis les mandataires du Christ, les propagateurs invincibles de sa loi, les continuateurs de son œuvre; et ces Galiléens incultes, ignorans, timides, dépouillant toute hésitation, toute crainte, cinquante jours après sa mort, dans cette même ville où avait été crucifié leur Maître, se mirent à publier son nom à la face du peuple qui avait demandé son supplice, et du Sanhédrin qui l’avait préparé. Ils l’appelaient « le Saint, le Juste, l’Auteur de la vie; » ils leur reprochaient avec douleur de l’avoir tué ; ils affirmaient que Dieu l’avait ressuscité ; ils le disaient « l’Envoyé de Dieu, le Prophète annoncé par Moïse; » ils déclaraient que les miracles dont ils étaient les instrumens s’accomplissaient