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pose d’entendre la messe, mais se laisse détourner par des causes que, sans grande exagération, il ne pourrait qualifier de majeures. Son exactitude, tout à coup, devient exemplaire. Le curé de la paroisse l’en félicite. Gonzalve, pour repousser une louange imméritée, avoue que, s’il n’a garde de manquer la messe, c’est que chaque dimanche il y rencontre la belle Béatrice, dont il n’ose encore demander la main ; en épiant les regards de la charmante fille, il a souvent la joie de les voir s’arrêter sur lui.

Le curé, pour juger ces regards, échangés tout au moins mal à propos, demande le temps de se mieux informer ; mais, en faisant sur ce point des réserves, il se réjouit du bon résultat ; il a lu dans un auteur grave : Si audis missam volens te delectare aspectu puellœ prœsentis satisfacis prœcepto. C’est bien le cas de Gonzalve. Il satisfait à la règle, on ne saurait le contester. Pascal, cependant, trouve qu’on l’élude, et s’en indignerait s’il ne craignait de tarir par un éclat la source des confidences.

« En vérité, s’écrie-t-il, je ne le croirais jamais si un autre me le disait. »

Le sixième commandement s’adresse à tous, et c’est après la bénédiction nuptiale, a dit un père de l’Église, que la concupiscence tend parfois ses pièges les plus dangereux. La pieuse Dolorès craint de l’avoir oublié ; effrayée par tant de périls, quelques semaines après son mariage, rougissante mais résolue, elle se présente à Sanchez pour confesser ses scrupules.

« L’Église, répond le célèbre auteur du Traité sur le mariage, conseille la prudence et ordonne la réserve dans l’usage des plaisirs permis, mais il est des momens où Dieu pardonne à ceux qui l’oublient. Il ne faut rien exagérer. »

Dolorès n’en a nulle envie. C’est pour user de ses droits qu’elle veut s’en instruire. Sanchez, sans descendre au détail, lui explique les principes ; il ne se fait pas comprendre. Dolorès est intelligente ; mais, en philosophie, tient pour les Nominaux. Les idées générales n’existent pas pour elle, elle veut tout particulariser et tout dire. Sanchez l’écoute, c’est son devoir. Il remercie Dieu, quand elle s’éloigne, d’avoir introduit dans son livre les étranges problèmes dont Pascal a détourné les yeux avec raison ; ils s’adressent aux seuls confesseurs, qui pourraient s’étonner et rougir si on laissait à leurs pénitentes le soin de leur en révéler le détail.

— Possidius, évêque de Calame, voulait interdire aux dames chrétiennes de son diocèse les étoffes d’or et de soie. Ces dames résistaient. Saint Augustin, consulté, décida pour elles. Les chrétiennes de Calame continuèrent, sans craindre pour leur salut, à lutter d’élégance, au risque de vaincre, avec celles qui n’avaient ni la foi chrétienne ni l’humilité. Pascal aurait approuvé Possidius.