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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/560

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et de miracles. Il n’y a pas à chercher à l’atténuer, on doit le reconnaître absolument et sans détour.

Je suis assez de mon temps pour ne pas ignorer sa répulsion violente contre le miracle, le transcendant et l’invisible, et sa défiance envers les témoins qui les attestent. Cette répulsion et cette défiance invétérées forment un des traits de l’incrédulité moderne. Les causes dont elles dérivent sont multiples et profondes; elles demanderaient une longue et pénétrante analyse qui n’entre pas dans le dessein de cette étude. Je remarquerai seulement que les grands progrès des sciences expérimentales, et leurs applications merveilleuses, n’ont pas été sans influence sur l’état intellectuel et psychologique de cette génération.

La culture excessive des sciences exactes et naturelles a absorbé l’esprit dans la matière ; on a demandé aux forces matérielles l’explication de tout; on a peu à peu tenu pour rien ce qui était en dehors d’elles; et si, pour obéir à ce besoin d’unité indestructible dans les intelligences supérieures, on a cherché le principe universel qui dominait la nature et l’humanité, au lieu de le voir au-dessus de la nature et de l’humanité, on l’a cherché aveuglément dans l’une et dans l’autre. De là, le positivisme, le matérialisme, le panthéisme; ils pèsent plus ou moins sur un grand nombre d’esprits parmi ceux qui enseignent les autres, et leur alliance secrète enchaîne inconsciemment la foule. Ces trois systèmes forment une espèce d’atmosphère diffuse dans laquelle se meut et respire la masse humaine dans notre siècle et notre pays.

Venir parler de miracle et de prophétie en un temps qui ploie sous le joug d’une telle opinion, c’est s’exposer à être éconduit, sans même être écouté jusqu’au bout. Si je n’hésite pas à le faire dans la force d’une conviction mûrie et dans la plénitude de ma foi, je n’hésite pas non plus à soumettre les miracles et les prophéties de la vie de Jésus à l’examen et à l’épreuve de la critique.

Mais il y a critique et critique, comme il y a balance et balance.

Quelle est donc la critique véritable et sûre, celle qui sauvegarde à la fois la légitime indépendance de l’historien, la vérité des faits qu’il examine, l’antiquité des documens et le respect dû aux témoins?

Il y a trois élémens dans l’esprit humain : les principes évidens, les systèmes, les croyances. Les principes sont indiscutables; ils se ramènent tous aux principes de contradiction ou d’identité, de causalité ou de raison suffisante. En vertu de ces axiomes, les choses absurdes, contradictoires, les faits sans cause ne peuvent