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ils l’appellent; et je n’hésite pas à affirmer que, seuls, entre toutes les croyances, les religions, les systèmes et les documens, ils sont capables de l’affronter. Ni la religion de Bouddha, ni celle de Zoroastre, ni celle de Mahomet, ni les livres sur lesquels ces trois religions s’appuient, ni le panthéisme, ni le matérialisme, ni le positivisme, ne résisteront à la critique de la raison ramenée à ses principes premiers de causalité et de contradiction. Son jugement inexorable ne laissera debout que le monothéisme des Juifs, la théologie des chrétiens, les documens sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament. A mesure que l’homme moderne, désabusé des vains systèmes en vogue, renoncera à leur demander la mesure de ce qu’il doit tenir pour vrai, il ne consultera plus Kant, Spinoza, Hegel, Voltaire, ni aucun maître d’un jour; il se repliera sur la raison première, sur les vérités inattaquables qui en forment la base éternelle, et il rendra justice à Celui qui est venu lui enseigner l’origine et le but de la vie, la Loi sainte à laquelle il doit se conformer, la force de lui obéir, en un mot tout ce qui éclaire et console, enchante et réconforte.

L’esprit armé de la vraie critique est le gardien vigilant et incorruptible des frontières de l’histoire ; il écarte impitoyablement ceux qui voudraient y introduire, comme des faits réels, les caprices, les rêves de leur fantaisie; il proscrit et démasque les obstructionnistes qui prétendent mutiler le domaine de la réalité, en supprimant des faits réels, parce qu’ils ne portent pas l’estampille de leur système ou la marque de leur maison. L’histoire est un terrain qu’on se dispute aujourd’hui. Il ne faut pas permettre que des usurpateurs le confisquent et s’y implantent. Certains voudraient la convertir en un fief réservé à l’athéisme, au panthéisme, au matérialisme ; le devoir du critique est de les repousser. L’histoire ne doit appartenir qu’à la raison pure. Aucun rôle n’exige un esprit plus large et plus libre, plus désintéressé et plus intègre.

Or, voici ce que la critique doit se demander, au nom de la raison pure : les faits surnaturels de l’Évangile, l’origine et la naissance de Jésus, son éducation et sa croissance visible, sa nature humaine et divine, sa vocation, les actes de sa vie publique et leur enchaînement, son œuvre, son enseignement, ses lois, ses miracles, ses luttes, sa manière de vivre et d’agir, sa mort et sa résurrection, sont-ils des réalités historiques qu’il faut raconter et dépeindre en toute vérité? Il ne s’agit pas de chercher d’abord comment toutes ces choses ont pu se produire, si elles sont à la mesure de notre esprit, plus ou moins conformes à nos préjugés et à notre culture : il s’agit de savoir si elles sont. Une fois établies, l’intelligence pourra essayer de les comprendre, de les expliquer,