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plus délicat, celui de les expliquer, d’en montrer la nature, l’importance, le lien profond, les causes diverses et les conséquences, sans cependant les altérer, les amoindrir, les défigurer.

C’est avec un respect infini que, devant une vie comme celle de Jésus, j’ai essayé ce travail. Chacune de ses paroles, chacun de ses actes me semblait comme un diamant, une perle précieuse : je me suis contenté d’imiter l’art du joaillier, j’ai serti ces pierres taillées par une main divine, et je n’ai cherché, en les montant, qu’à leur donner plus de relief et plus d’éclat.

Pour comprendre les actions du Christ et sa doctrine, les sciences auxiliaires de l’histoire, psychologie, morale, philosophie, théodicée, sociologie, anthropologie, ne suffisent pas. Jésus les dépasse toutes. Aucune ne le contient tout entier. Sa vie, à tout instant, déroute ce que nous appelons notre psychologie, notre morale, notre philosophie, notre sociologie, notre anthropologie, notre faible et timide théodicée.

Aussi, en faisant appel à ces sciences, dans la mesure où elles m’étaient familières, je n’ai jamais hésité 4 les élever à la hauteur de Jésus et jamais tenté de l’y emprisonner. Quand il les domine, il ne les détruit pas, il les éclaire.

Le plus grand monument élevé par la théologie à la gloire de Jésus est le Traité de l’Incarnation de saint Thomas d’Aquin[1]. Nul génie n’a expliqué dans une synthèse plus puissante, avec une raison plus ferme, une psychologie plus exacte, le mystère du Christ. Toute vie de Jésus devrait le contenir tout entier, pour être dans la pleine lumière de la doctrine. Je dois à ce maître le meilleur de ce que j’ai essayé pour atteindre h. ce qu’on pourrait appeler la philosophie chrétienne de cette histoire.


XIII.

En commençant ce travail, je ne me suis dissimulé ni sa grandeur ni ses difficultés. Je les ai senties s’accroître à mesure que je le poursuivais. En le voyant terminé, je reconnais ses lacunes et son insuffisance. Il ne dépend pas de ma volonté qu’il soit moins indigne de Celui dont j’ai raconté l’histoire.

Une conviction profonde m’a soutenu : le Christ, vivant, agissant par son Esprit dans l’Église, est le salut de l’humanité et des peuples modernes. Rallier à lui les consciences d’un pays et d’un siècle, l’essayer seulement, c’est apporter à ce siècle et à ce pays le plus grand des bienfaits.

  1. Summa theolog., 3e p.