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simple aussi et pratique. Il n’y veut point d’érudition et s’irrite des disputes des théologiens. Il malmène professeurs et prédicateurs, qui résistent à sa volonté de réconcilier les deux confessions luthérienne et calviniste, u La différence entre nos deux religions évangéliques, dit-il, n’est qu’une querelle de prêtres. Extérieurement, la différence est grande ; mais quand on examine bien, on voit que la loi est la même sur tous les points, sur la grâce, sur la communion. Seulement, parmi les prédicateurs, les uns font la sauce plus amère que les autres. Que Dieu pardonne à tous les prêtres ! car ils rendront compte au tribunal de Dieu, ceux qui ameutent les rats d’école pour mettre la désunion dans la vraie parole de Dieu. Les vrais pasteurs, ceux qui disent que l’on doit être tolérant les uns envers les autres et s’appliquer seulement à augmenter la gloire du Christ, seront sauvés. Car on ne dira pas (au jour du jugement) : Es-tu luthérien, ou es-tu réformé ? On dira : As-tu observé mes commandemens, ou as-tu été un bon disputator ? On dira : Dans le feu, au diable les disputateurs ; mais vous qui avez observé mes commandemens, venez avec moi dans mon royaume… Que Dieu nous donne à tous la grâce ! Qu’il donne à tous ses enfans évangéliques d’observer ses commandemens. Quant à ceux qui sont cause de désunion, que Dieu les envoie au diable[1]. »

Autant que les disputes théologiques, il détestait la vaine éloquence, « les façons de dire oratoires, les mots artistes, allégoriques et fleuris… les répétitions inutiles, les explications diffuses des textes… » Par un ordre de cabinet, il interdit l’usage de la rhétorique « à tous les prédicateurs âgés de moins de quarante ans, » ceux qui ont passé cet âge étant incapables de changer leurs habitudes. Il défend aussi de prêcher plus d’une heure, sous peine d’une amende de 2 thalers. Une heure, c’est assez pour donner une « explication courte et édifiante des textes, pour trouver des conclusions et encore des conclusions, qui touchent les cœurs de l’auditoire, et les convainquent. » Le devoir du pasteur est « d’éveiller de claires idées dans l’entendement et d’incliner la volonté au bien, non de montrer son art et son érudition. » C’est d’enseigner « le christianisme actif, thätiges Christenthum. »

Frédéric-Guillaume entend par christianisme actif celui qui sert dans la vie pratique, telle qu’il la comprend. Ce qu’il appelle tirer d’un texte des conclusions, c’est, par exemple, exciter à l’héroïsme ses grenadiers, après leur avoir lu l’histoire de David tuant Goliath, ou de Benaja qui, avec un bâton, assomme un Égyptien armé de pied en cap. Des deux Testamens, l’Ancien est le plus propre

  1. Archives du ministère des affaires étrangères, Prusse, 1726,7 janvier et 22 février ; 1727,25 février, 22 mars et 21 juin ; 1730,18 août ; 1732,25 mars.