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et de Biskra à la frontière marocaine ; il m’en est resté la pénible conviction que, si nous avions su nous faire respecter partout, nous n’avions su assez nous faire aimer, principalement dans la plus vieille de nos possessions, en Algérie, titre aimé des Arabes, c’est, je le sais, demander l’impossible, tellement nous différens de croyances religieuses et de mœurs ; mais il y a des degrés à tout : pas de tendresse, si l’on veut, mais du moins pas de haine. Lorsque sonnera en Europe l’heure d’une conflagration générale, de nouvelles insurrections seront à craindre, car nulle assimilation ne s’est faite entre nous et la race autochtone; ce qui est pis, c’est que l’élément espagnol et italien, qui s’y trouve en disproportion avec l’élément français, ne sera pour celui-ci qu’un embarras de plus. On a beaucoup écrit, on écrit toujours sur la Tunisie et l’Algérie ; il semblerait donc superflu d’en parler encore; mais on oublie vite en France, et peut-être reste-t-il quelque chose à dire dans l’intérêt de ces contrées et des colons qui y représentent la civilisation, en faveur d’Africains qui, victimes d’une incurable imprévoyance, se voient enlever par des usuriers sans entrailles, et leurs terres, et leurs récoltes, et jusqu’à la place qu’ils occupent au soleil.

Personne ne se refuse à reconnaître que, nulle part la France n’a plus rapidement fait supporter son influence et ses conseils. Pourquoi, chez elle, a-t-elle donc jusqu’à ces derniers temps fait si peu de cas de sa protégée et s’unit-elle à ses ennemis du dehors pour blâmer et critiquer tout ce qui s’y fait? La raison n’en est que trop évidente. Ceux de nos gouvernans qui ont laissé l’Angleterre nous supplanter en Égypte, qui, demain, voteront à la prochaine discussion du budget l’abandon de l’Annam et du Tonkin, sont nombreux dans les conseils du gouvernement et c’est pitié de voir combien ils s’acharnent, — dût notre prestige au dehors disparaître, — à mettre des entraves à tout développement colonial ou producteur.

Quant aux nations étrangères ennemies des intérêts français, on sait par quelles calomnies, par quel odieux abus de la force, par quelle exploitation de sentimens sacrés, sous quel masque négrophile, elles se font la part du lion sur le noir continent. Ne nous étonnons donc pas si elles ne peuvent voir sans jalousie flotter notre drapeau sur les terres les plus fertiles de ce continent; soyons plutôt surpris de voir quelques-uns de nos hommes d’État joindre d’un cœur léger leurs critiques aux critiques de ces nations jalouses. Une réaction favorable à la Tunisie s’est pourtant produite en haut lieu depuis quelques jours ; on a assimilé les produits de la régence aux produits algériens, c’est-à-dire que les premiers, en entrant dans nos ports, y seront, à peu de choses près, traités comme le sont les produits de nos colonies. Les agriculteurs, les