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grâce à M. Devoize, envoya l’amiral Freemantle devant Tunis pour négocier le rachat d’un certain nombre de captifs siciliens, ses protégés d’alors. Soixante-quatre de ces malheureux capturés, malgré leur passeport anglais, obtinrent leur mise en liberté sans condition; 394 l’obtinrent aussi, mais au prix d’une rançon de 315 piastres fortes d’Espagne pour chacun d’eux. Est-ce tout? Non, car 500 autres captifs romains et napolitains recouvrèrent un peu plus tard leur liberté. On se demande peut-être comment les régences d’Alger, de Tunis et de Tripoli pouvaient entretenir, renouveler sans cesse le triste personnel de leurs galères. Rien n’était plus simple. Ainsi en 1815, trois ans après la descente de l’amiral Freemantle à La Goulette, un nouveau bey, voulant utiliser un nouvel armement, ordonna à huit de ses corsaires de prendre la mer et de ne rentrer au port qu’avec des captifs et du butin. Le chef de l’expédition se dirigea de son propre mouvement vers la baie de Palma en Sardaigne, en enleva 158 habitans au nombre desquels on comptait huit mères de famille, et une jeune et fort belle fille de quinze ans, sœur du commandant de Palma, tué en défendant un fort. Les corsaires rentrèrent à Tunis sans être autrement molestés, y débarquant paisiblement les captifs et un butin considérable.

Un jour vint, pourtant, où le souverain qui commandait à ses navires de telles équipées fut pris d’une terreur subite. Le 11 avril 1815, en rade de Tunis, se montra tout à coup une escadre formidable commandée par lord Exmouth. Elle venait d’Alger, et, celui qui la commandait après y avoir fait mettre 1,500 chrétiens en liberté, avait notifié au dey stupéfait que, par suite d’une décision des puissances européennes, la course était à jamais interdite aux bâtimens des états barbaresques.

L’amiral était venu à Tunis pour y faire la même notification, et Tripoli, un autre repaire de forbans, devait aussitôt après recevoir une injonction tout aussi énergique. Grâce à une nouvelle intervention de M. Devoize, et, à la présence au Bardo d’une princesse anglaise qui, d’humeur indépendante, voyageait en touriste, Sidi Mahmound, le bey régnant alors, sans paraître céder aux canons de l’escadre, mit en liberté et sans rançon 300 Sardes d’abord, plus 500 Napolitains, à un prix de rachat convenu. Pour se conformer aux stipulations du congrès de Vienne, le dey s’engagea par écrit à ne plus tolérer et à interdire à jamais l’esclavage des chrétiens dans toute l’étendue de la Tunisie. Tout cela n’empêcha pas notre agent général de constater, après le départ de lord Exmouth, qu’il restait encore dans les trois régences un grand nombre de Romains et de Toscans. L’amiral, en ayant été informé, eut pitié de ces infortunés,