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exposés à plusieurs humiliations, comme d’avoir fait édicter, par un bey qui règne et ne gouverne pas, divers décrets auxquels les Italiens refusent de se soumettre. Énumérons-les.

Il y avait autrefois dans la régence plusieurs offices postaux ; chaque consul se targuait d’avoir le sien. Lorsque les capitulations furent supprimées, deux restèrent : le français et l’italien. Avec l’arrière-pensée de faire disparaître celui-ci, le gouvernement beylical, — lisez le protectorat, — décréta qu’il n’y aurait plus que l’office postal tunisien. La poste française a disparu et avec elle le timbre portant ces mots : République française. C’est fâcheux. L’affranchissement pour la régence n’est que de 15 centimes, mais un bon de poste français n’est pas acquitté s’il se présente à un guichet tunisien. A côté de cela, la poste italienne fonctionne comme s’il n’y avait pas d’office postal tunisien. Cela se passe de commentaires. Deux autres décrets ont essuyé le même refus d’obéissance de la part des Italiens : c’est d’abord celui qui rend obligatoire dans toutes les écoles de la régence l’enseignement de la langue française ; et un autre, portant que nulle association ne peut se constituer sans l’autorisation du gouvernement beylical.

Dans la situation que nous nous sommes faite en Tunisie, nous avons, en effet, à regretter que ces décrets aient été promulgués du moment qu’ils ne devaient pas être obéis.

Il est à craindre que nous n’ayons encore de semblables regrets à exprimer, tant que la direction de notre politique n’accentuera pas davantage l’absorption inéluctable de la Tunisie par la France. Il faut regagner la situation qui nous avait été faite au congrès de Berlin, situation, hélas! perdue, aboutissant à un dédain frondeur des décrets du bey et à l’échec de la nation qui se dit sa protectrice.

Pour en revenir aux critiques formulées contre M. Cambon et M. Massicault, je n’ai point mission ni compétence pour les réfuter. Je ne dirai qu’une chose. J’ai parcouru, habité pendant dix ans consécutifs les pays tropicaux ; j’ai donc vu un grand nombre de colonies aussi bien étrangères que françaises. Partout, j’ai trouvé des colons mécontens du représentant de leur patrie, surtout à l’époque où les gouverneurs des colonies étaient des officiers de terre ou de mer. Il n’est donc pas surprenant que M. Massicault soit en butte à une certaine catégorie de critiques auxquelles son prédécesseur, M. Cambon, a pu échapper en abandonnant à temps les premières fonctions qu’il ait occupées en qualité de résident. Toutefois, M. Massicault devrait insister à Paris, auprès du ministre des affaires étrangères, pour la création à Tunis d’un conseil colonial, comme celui qui a rendu de si grands services en Cochinchine. Est-ce que les avis, les conseils même, les appréciations