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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/814

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de faire le commerce dans tout l’empire ottoman sous pavillon français. Ce n’est qu’accessoirement que le règlement des relations judiciaires fut compris dans l’organisation de ce modus vivendi des Européens en Orient. Par les capitulations de 1535, le droit de juridiction fut attribué aux consuls sous la condition essentielle qu’aucun sujet ottoman ne fût intéressé dans le procès. Ces capitulations furent renouvelées en 1569, 1581, 1604, 1673 et 1740. Celles de 1740 constituent le seul texte ayant encore force de loi dans les Échelles. C’est ce traité qui fixa nettement les privilèges accordés aux Français et les dispensa des contributions personnelles et des impôts prélevés par les pachas d’Orient. Il leur était accordé, en outre, diverses concessions de pêcheries sur les côtes barbaresques ; enfin, le pouvoir juridictionnel en matière criminelle était abandonné à nos consuls.

« Un édit de 1778, confirmé par une ordonnance royale de 1781, régla la juridiction civile et commerciale de nos consuls en Orient, étendit leur compétence à tous les différends qui s’élevaient entre Français, sans distinction de profession en matière civile, questions d’État, successions, donations, etc. »

Ces capitulations, précieuses dans le passé, bien surannées de nos jours, devaient disparaître du moment que nous étions à Tunis. Longtemps il n’en fut rien, et, comme pour accroître les difficultés et les conflits à plaisir, les commandans français du corps d’occupation voulurent, eux aussi, avoir leurs conseils de guerre avec la prétention d’y juger, selon les cas, civils et militaires. Ce n’était pas assez de désordre. Ce que la régence contenait en forçats échappés aux bagnes de Sicile ou de Ceuta, de nègres en rupture de contrat, de renégats sans patrie, se déclara en toute hâte « protégé » des consuls étrangers, afin d’éviter notre juridiction, celle du bey, et être dispensé des impôts et du service militaire. Protégé anglais était le juif qui voulut enlever l’Enfida aux Français ; protégés anglais les généraux tunisiens prévaricateurs ; protégés encore ces Siciliens qui, la nuit, guettaient nos jeunes soldats perdus dans les ruelles de Tunis pour traîtreusement les désarmer et les frapper ensuite. Honteux d’avoir de tels cliens, quelques-uns des représentans des grandes puissances demandèrent à leur gouvernement de n’avoir plus à exercer leur pouvoir vis-à-vis de pareils gredins. Il n’y eut que les consuls des petits états, ceux dont la protection ne s’étendait que sur des aventuriers, qui gardèrent le silence. Les capitulations abolies, leurs fonctions eussent dû l’être, et l’étaient de fait, puisque jamais un navire de leur nation ne mouillait en rade de La Goulette.

Le gouvernement britannique, sur les instances réitérées de M. Waddington, notre ambassadeur à Londres, consentit à la suppression