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Il est vrai que, d’après l’article 500 du code civil tunisien, les propriétés habous ne peuvent être ni vendues, ni données, ni hypothéquées, les ayans droit ne jouissant que de l’usufruit; mais on peut louer ces propriétés à perpétuité, à enzel, selon le mot du pays, et, une fois qu’on en est locataire, personne ne peut annuler votre bail. Afin qu’un bien habou ne puisse disparaître ou ses revenus être détournés de leur but charitable, il fut créé, en 1874, une commission dite Djemaia, laquelle avait et a toujours pour mission d’exercer une surveillance sévère sur sa gestion. Afin de rendre cette surveillance efficace, la Djemaia tient continuellement ouverts trois registres : l’un pour l’inscription des propriétés habous ; l’autre consignant les actes de la Djemaia et les avis émis par les personnes qui la composent; le troisième pour inscrire, chaque année, les règlemens des comptes présentés par les oukis ou les administrateurs des domaines. Ce qu’il y a d’admirable dans cette institution de l’enzel, créée en faveur de ceux qui ne sont pas propriétaires, c’est que, s’il vous plaît de transférer ou simplement de mettre en gage votre bai! enzélite, vous pouvez le faire sans perdre votre droit de fermier. Souvent le propriétaire de l’un de ces baux veut bien louer sa ferme, mais sans donner sa signature. Des notaires, faute de cette formalité, s’étant refusés à passer l’acte de transfert, ce qui met le prenant en confusion, un décret du 7 juin 1880 a tranché cette difficulté d’une façon très simple : «Considérant, est-il dit, que le refus des notaires de dresser, sans le consentement du propriétaire, les actes relatifs au transfert des enzels, constitue un obstacle à la liberté des transactions, nous avons décrété ce qui suit : les notaires dresseront les actes relatifs au transfert des enzels sans s’assurer du consentement du propriétaire : ils seront tenus seulement de lui en donner avis. » On comprendra mieux l’intérêt qui se porte sur ces biens des œuvres pies lorsqu’on saura qu’ils occupent en étendue un cinquième du territoire de la régence. Il restera de plus aux petits colons, et dans un avenir plus ou moins rapproché, l’exploitation des biens beylicaux, biens immenses éparpillés dans le caïdat du Riah et les solitudes qui avoisinent Kairouan. Le jour où le bey consentira à les allotir, à en livrer l’exploitation à des mains autrement actives que celles qui les exploitent aujourd’hui, ces terres princières verront tripler leur rendement, et l’œil attristé ne cherchera plus vainement, aux alentours de la ville sainte, des traces de culture.

Les personnes qui, en Égypte, ont vu de quelle façon sont exploités les domaines des familles khédiviales par M. E. Bouteron, doivent souhaiter aux biens beylicaux un administrateur aussi zélé, aussi compétent que l’est, aux bords du Nil, notre compatriote.