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jusqu’à ces derniers temps, ont fait un désert où ne croissent plus que des maigres lentisques et d’inutiles jujubiers. Est-ce l’exemple de notre activité qui éveille chez les cultivateurs tunisiens, sédentaires ou nomades, un noble esprit d’émulation? M. Charles, chef de service de l’agriculture et de l’élevage de la régence, a exposé dans son rapport annuel les progrès considérables accomplis par les indigènes depuis l’établissement du protectorat. Plus de 1,200,000 hectares ont été ensemencés cette année par les indigènes en céréales, blé dur, orge, fèves.

A la fin de son rapport, le chef de service de l’agriculture fait remarquer avec justesse que l’économie agricole de la Tunisie se déduit des chiffres sur lesquels s’appuient son travail et ses observations. D’après lui, ce pays n’a exporté que ses produits agricoles et ses animaux, sans devenir un seul moment pays de travail pour la production étrangère. Le tableau qu’il nous donne des exportations n’est donc que le résultat exact, fidèle, des récoltes et des richesses animales de la régence.

Ces données intéressantes dissipent la crainte de voir les productions du sol italien entrer en Tunisie pour en sortir comme produits tunisiens et pénétrer frauduleusement en France avec des droits réduits.

Pour se rendre un compte exact de l’état actuel de l’agriculture dans la régence, il suffit de parcourir les environs de la capitale, ou bien encore de se rendre à l’Enfida, de l’Enfida à Kairouan, de Kairouan à Sousse et de Sousse au point de départ, Tunis. Rien de plus aisé ; aucun danger, et si le lecteur veut faire ce voyage en lisant ce qui suit, je m’efforcerai de le lui rendre le plus instructif possible. En lui montrant ce qu’était ce pays avant notre arrivée et ce qu’il est aujourd’hui, le voyageur aura une idée de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire.


X. — DE TUNIS A L’ENFIDA.

Un landau à quatre chevaux suffit pour mener à bonne fin vos courses dans la régence. Le véhicule remontera à des temps préhistoriques, n’en ayez cure ni souci : il sera presque toujours confortable. Ce qui importe, c’est que votre cocher sache quelques mots de français et connaisse son chemin. S’il ne sait ni votre langue ni sa route, vous serez exposé à errer toute une nuit sous un ciel étoile. Pareille mésaventure m’est arrivée ainsi qu’à quelques amis, un jour de vendredi saint. C’est à l’aboiement d’un chien, gardien vigilant d’un gourbi, que nous devons de n’avoir pas fait vigile et un jeûne forcé.

Deux routes, — il serait plus exact de dire deux pistes pour la