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inconsciente ironie par les Français eux-mêmes, mais que les étrangers, plus clairvoyans, n’acceptent pas encore. Or elle est toute française, cette activité colonisatrice, car, parmi les propriétaires qui ont quelque importance, on chercherait vainement des acquéreurs étrangers. Ce n’est pas seulement dans le domaine agricole qu’elle se montre, elle apparaît aussi dans les puissantes entreprises industrielles qui se rattachent aux produits de la région, céréales et fruits. Là encore elle appartient exclusivement à nos nationaux, mais il incombe à d’autres que nous de faire ressortir le mérite de cette situation.

« La viticulture est certainement le but principal de tous les efforts des colons ; c’est dans la création des vignobles qu’ils ont concentré leurs moyens d’action, malgré les capitaux considérables que de pareilles entreprises immobilisent. Il faut reconnaître que cet apport de capitaux est le fait caractéristique de la colonisation en Tunisie et la cause primordiale de son succès rapide. C’est à un mouvement semblable que l’Algérie doit, depuis quelque temps, son remarquable essor ; mais combien différens ont été les débuts, lorsqu’on pensait pouvoir opérer administrativement le peuplement de notre colonie en donnant des concessions de terrain à des colons le plus souvent ignorans et sans moyens d’action! Bien peu ont survécu à ces temps difficiles, et si la sélection a produit de ce fait un noyau de population dont on admire aujourd’hui l’énergie et la volonté, il faut avouer qu’en fin de compte, les entreprises de l’origine offraient trop de difficultés pour être renouvelées incessamment. Ce n’est qu’au moment où les capitaux ont commencé à croire au succès que l’essor colonial s’est développé par l’appui indispensable qu’ils ont fourni. La Tunisie a profité dans ces derniers temps, plus encore que l’Algérie, de cette confiance désormais établie. On ne saurait trop attirer l’attention de l’épargne, si souvent déçue en France par des songes financiers, sur l’avenir agricole de notre colonie d’Afrique et de son annexe naturelle, la Tunisie. »

Remettons-nous en route.

Après les vignobles si bien entretenus de M. P. Potin, voici d’autres domaines : ce sont ceux de Sultana et de Gorombalia, où 80,000 oliviers, cultivés comme les plantes délicates d’une serre, déploient leur pâle feuillage. Dans le Sahel, aux environs de Sousse, nous trouverons encore des plantations d’oliviers bien plus importantes. En voyant en effet les colons porter leur principal effort sur la culture de la vigne, il ne faudrait pas supposer que le sol tunisien ne convînt qu’à cette plante. Ce serait une grande erreur que de le croire, tout en reconnaissant que l’indolence des indigènes y pourrait donner lieu. Le pays qui nous occupe en ce moment