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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/878

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REVUE DES DEUX MONDES.

général, ne roulent pas sur l’or et l’argent. Qu’ils souscrivent des actions ou qu’ils empruntent, l’intérêt de l’argent et l’amortissement du capital devront toujours se prélever sur les revenus de la fromagerie, et les bénéfices des premières années sembleront bien modestes. Dieu merci ! beaucoup de fruitières réussissent avec une installation moins grandiose. Louez près d’un ruisseau ou d’un puits, une maison pourvue au rez-de-chaussée de deux pièces et d’une grande cave qui puisse se partager en deux parties, faites quelques réparations, et avec un matériel de 1 200 à 1 400 francs, du bon lait, un fromager expérimenté, vous aurez d’excellens produits. Je sais une minuscule fruitière établie à Vandelans, canton de Rioz (Haute-Saône) : la cuisine, une chambre à lait, une autre pièce qui sert de cave, une quatrième qui forme le logement du fromager, pas de crépissage aux plafonds, aucun pavage (la cuisine seule est briquetée), les frais simplifiés jusqu’à l’extrême limite ; la dépense n’a pas atteint 500 francs. Les sociétaires ont réparé eux-mêmes la maison, fabriqué une partie des instrumens, ils prennent pour devise : le self-help, l’économie, ils se disent qu’on n’a de bien que celui qu’on se fait. Ils ont un bon fruitier qui n’a pas manqué un fromage depuis deux ans, le pays se relève, s’enrichit à vue d’œil, les vaches donnent en moyenne 300 francs de revenu par an, y compris, bien entendu, le beurre, le petit-lait et le veau. Voilà ce qu’on obtient avec de la persévérance, voilà ce qu’on pourrait faire dans la moitié des communes de la Haute-Saône, qui possède des prés de première qualité. Malheureusement, elle a à peine quinze fruitières, toutes fondées dans les arrondissemens de Gray et de Vesoul, sauf une seule qui commence dans l’arrondissement de Lure, et dont les vingt premiers associés accomplissaient presque un acte de courage en prenant cette initiative, dans un pays où cette industrie pastorale était absolument inconnue, et malgré les clameurs, les prophéties railleuses des ignorans, des envieux et des sots. Quand donc nos cultivateurs secoueront-ils cette léthargie séculaire ? Quand se lasseront-ils de pratiquer la politique de l’autruche, de fermer les yeux lorsqu’on leur montre la vérité ? Quand auront-ils pitié d’eux-mêmes ? Planter de vieux échalas en guise de provins n’est pas, remarque Max Buchon, le moyen de s’assurer une bonne vendange. Pour se faire une idée juste d’une forêt, il faut non pas rester dedans, mais en sortir.

III.

De bons prés, de bonnes vaches, un bon fromager, trois essentielles conditions de succès : à vrai dire, les deux premières n’en