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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/892

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porte la ration journalière, ne pas donner par exemple 200 ou 250 grammes de viande, et 50 ou 100 grammes de fromage ? Elle ne coulerait pas plus, elle serait meilleure et plus variée. On pourrait fournir cette denrée aux commissions de l’ordinaire qui fonctionnent dans chaque régiment, par voie de substitution, et la faire entrer dans les magasins de concentration. Quoi qu’en dise M. le ministre de la guerre, le gruyère se conserve longtemps et se transporte aisément ; l’intendance trouverait là de grandes facultés d’approvisionnement, nos fromageries le plus important débouché.

Voilà leurs griefs, leurs principales réclamations, et ils n’ont rien que de légitime. Qu’elles osent se plaindre, se plaindre sans cesse, et elles finiront par avoir gain de cause. Qu’elles demandent aussi aux conseils-généraux, au ministre de l’agriculture d’augmenter leurs subventions. Le conseil-général du Doubs, celui du Jura accordent chacun 2 500 à 3 000 francs de primes d’encouragement aux fruitières ; ils votent deux ou trois bourses d’entretien à Mamirolle et Poligny. C’est absolument insuffisant, quand on songe que ces deux départemens ne comptent pas moins de onze cents fruitières qui, en beurres et fromages, rendent 18 à 20 millions de francs, quand on compare ces sacrifices à ceux que fait la Suisse pour ses cinq mille trois cents fromageries. Il faudrait doubler les subventions, accorder un matériel complet de fabrication à toute société qui s’établirait dans un canton où il n’en existe point encore. On créerait ainsi un exemple de progrès, les disciples de saint Thomas pourraient voir et toucher eux-mêmes.

Il convient aussi de développer sans cesse le sentiment de l’association, de la prévoyance, et, à la vieille formule hobbiste : chacun pour soi, chacun chez soi, de substituer une formule plus généreuse, plus intelligente, plus chrétienne en un mot. N’est-il pas bon de montrer à l’homme qu’il ne doit pas être un loup ou un renard pour l’homme, mais qu’il a intérêt à aimer son prochain et qu’il s’aime encore en l’aimant ; que la pitié, la sympathie rapportent souvent un profit moral et matériel ? Aussi approuvons-nous grandement l’initiative des directeurs du syndicat agricole de Poligny, qui ont la plus admirable entente des besoins de nos cultivateurs : ils ont institué une caisse spéciale de secours mutuels contre la mortalité du bétail, ils viennent de grouper en syndicat soixante fruitières de la région. Le but immédiat de cette création est de faire opérer la vérification des laits par un inspecteur au service du syndicat, qui arrive à l’improviste au chalet. Moyennant une contribution de 2 francs par 1 000 kilogrammes, chaque fruitière recevra plusieurs visites par an ; s’il y a lieu d’analyser un lait douteux, l’analyse se fait sans frais. S’il faut exercer des pour-