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discussions auxquelles il est permis de croire que les différences de religion, dont l’influence se fait encore sentir dans l’Ardèche, un des départemens où il reste le plus de protestans, ne comptaient pas moins que la recherche historique désintéressée. Des écrivains catholiques déclarèrent qu’ils étaient las d’entendre traiter de calomnieuse l’imputation adressée à Olivier de Serres d’avoir pris part au siège de Villeneuve, et plusieurs ajoutaient : une part odieuse. Le volume sur Olivier de Serres publié par M. Vaschalde, en 1886, où l’on trouve des pièces curieuses et intéressant à plus d’un titre, y répondait par une complète apologie. L’auteur niait toute participation à la guerre et qualifiait de mensongères les assertions ayant pour but d’y faire croire. Ce fut une occasion nouvelle de reprendre la querelle de 1872. Voici donc exactement quelle est la question. Il s’agit de savoir d’abord si Olivier de Serres a été acteur et promoteur du siège de Villeneuve à cette fin de l’arracher aux catholiques, qui en avaient exclu les protestans, et ensuite de rechercher s’il y a commis les actes d’inhumanité qu’on lui attribue.

Les deux affirmations sont confondues par ceux qui justifient ou incriminent la mémoire d’Olivier, et c’est tout le moins, à notre sens, que la question soit divisée.


II.

C’est sur des textes qu’il faut la résoudre, à moins qu’on ne découvre des raisons suffisantes pour en infirmer la valeur. Or, ces textes existent; ils émanent d’autorités considérables; et ils tendent tous à établir qu’Olivier de Serres, dans toute la force de l’âge (il avait alors trente-quatre ans), dans toute l’ardeur d’un zèle qu’avait encore enflammé l’attentat de la Saint-Barthélémy, commis pour ainsi dire la veille, a conçu et soutenu avec énergie le dessein de l’attaque contre Villeneuve, et qu’il a pris à cette attaque une part importante. La première autorité à citer est celle de Jean de Serres lui-même, qui raconte dans ses Commentaires qu’un capitaine protestant nommé Baron, et Pradellus, avaient occupé la petite ville de Mirabel. C’est dans cette commune, où était situé le château du Pradel, que s’étaient réfugiés les habitans de Villeneuve les plus attachés à la religion réformée. L’historien, entrant dans de plus grands détails, rapporte qu’un de ces protestans, chaudronnier ou serrurier, se rendit chez Pradellus, à qui il fit savoir qu’il avait trouvé un secret pour prendre la ville ; la suite montra qu’il s’agissait de l’ouverture d’une porte. Or, qu’était-ce que ce Pradellus, désigné dans d’autres récits, en latin, sous les noms de Pradellius ou Pradela, sinon le seigneur du Pradel, l’habitude