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le dépôt des objets les plus précieux qui servaient au culte. Les bruits de guerre devenaient plus menaçans, et Olivier, se demandant si son château offrait plus de sécurité que l’église elle-même contre des surprises, et jugeant plus prudent de ne pas rester chargé de cette garde embarrassante, réunissait, pour aviser à ce qu’il y avait à faire, les consuls et les notables de la ville. Les assistans n’étaient pas tous protestans, il importe de le noter; parmi eux il se trouvait même des prêtres. Quelqu’un consentirait-il à se charger de la garde de ces objets? Sur le refus de tous, motivé sur les mêmes appréhensions, l’assemblée décida de les vendre, et le marché se fit avec un orfèvre de Montélimart. On remarque que, parmi ces objets du culte, dont on a conservé l’inventaire, et composés surtout d’ornemens et chasubles, il n’y avait ni ostensoirs, ni ciboires, circonstance qui, aux yeux des catholiques, a pu éloigner l’idée de profanation. Quoi qu’il en soit, cette vente au détriment de l’église de Villeneuve est énergiquement blâmée par les écrivains catholiques mêlés à ces polémiques, et je ne me charge pas de défendre une mesure pour laquelle on ne peut que plaider les circonstances atténuantes de l’état de guerre et du manque réciproque de scrupules des deux cultes à l’égard l’un de l’autre. Encore, avant de formuler une accusation, faudrait-il expliquer le consentement des prêtres présens à la réunion, et ne pas se borner à alléguer, sans en avoir la preuve, que c’étaient sûrement des lâches ou des défroqués. Mais ce qu’ont surtout pour but d’attaquer les mêmes écrivains, c’est la responsabilité personnelle d’Olivier de Serres, dont il me reste à indiquer le rôle dans cette affaire. On sait qu’il avait fait des avances à la commune de Villeneuve, évidemment très obérée, puisqu’elle était réduite à lui laisser faire les frais de l’installation du pasteur. Ces avances n’étaient pas les seules qu’il eût faites. La commune lui était redevable de quatre cent vingt-neuf livres tournois. Pour le rembourser, elle lui abandonna le prix de la vente, montant à trois cent quatre-vingts livres, reconnaissant qu’il restait encore dû au seigneur du Pradel quarante livres cinq sols trois deniers. On voudrait qu’Olivier de Serres, se mettant à part de ce que faisait la commune, et se désintéressant de ce qu’elle lui devait, eût remis la somme à l’église, agissant de son autorité privée, comme si ce n’était pas à la commune qu’il appartenait de prendre cette résolution. On reproche, en d’autres termes, à Olivier de Serres de ne pas s’être, à son propre préjudice, constitué, en dehors et peut-être en dépit de ses coreligionnaires, le représentant des droits de l’église de Villeneuve. Je l’approuverais, s’il l’avait fait, sans croire qu’il mérite les paroles indignées dont on l’accable. Mais, dit-on, un procès ayant été intenté,