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classes : 1° les travailleurs communs, employés, faute de vocation ou de spécialité, à toute sorte de besogne ; 2° les apprentis pour telle ou telle profession ; 3° le corps principal des travailleurs de vingt-cinq à quarante-cinq ans; 4° les officiers de tous degrés qui ont charge dos autres. Ces quatre classes ont chacune des formes différentes de discipline qui les font jouir, en somme, d’avantages égaux ; elles ont des grades et des récompenses honorifiques susceptibles de stimuler l’ambition.

Les déshérités qui ne peuvent aspirer à ces grades : infirmes, faibles d’esprit ou de corps, aveugles, sourds-muets, etc., sont versés dans un corps séparé, un corps d’invalides, où ils font ce qu’ils peuvent, quand ils le peuvent. Les fous eux-mêmes y tiennent leur place aux heures de lucidité. Il n’est pas question, notez-le bien, de ce qu’on appelait charité au temps où l’on n’avait pas suffisamment reconnu ce principe que nous dépendons tous plus ou moins les uns des autres et que personne, dans un état social organisé, ne peut se suffire à lui-même. Chacun de nous a besoin d’autrui ; nous sommes tous enfans de la même race, tous membres de la famille humaine. Les invalides ont donc droit à la même carte de crédit que les autres citoyens, et nul ne s’en scandalise. En somme, si les travailleurs modernes produisent tellement plus que ne le feraient à leur place des sauvages, c’est grâce à l’héritage de savoir, d’expérience, d’industrie qui leur a été légué par les précédentes générations dont nos frères infirmes sont issus comme nous. Les priver de leur part légitime équivaudrait à commettre un vol, et leur en Jeter quelques miettes, sous prétexte de charité, serait ajouter l’insulte à la déloyauté.

Quant à la tradition d’héritage de père en fils, dans le sens du XIXe siècle, elle est tombée tout naturellement. La nation, étant le seul capitaliste, arrête à la mort de chaque citoyen son crédit annuel, en accordant une somme, invariablement la même, pour les obsèques. Quant aux biens que le citoyen aurait pu amasser, sans que rien l’en empêchât du reste, ils ne lui seraient qu’un fardeau incommode. Les objets précieux, en s’accumulant, l’embarrasseraient fort; il ne pourrait en trafiquer, il devrait, pour les loger et les entretenir, s’imposer des dépenses inutiles. Toutes les magnificences du luxe sont réservées à la communauté; les particuliers ne se laissent guère encombrer par un superflu qui, la plupart du temps, quand il existe, revient à la nation, après que la famille et les amis ont fait leur choix de souvenirs.

Si vous parlez d’entretien, dit Julian West au docteur Leete, passons au problème du service domestique ; comment est-il résolu?

— Triomphalement. Il n’y a plus de domestiques. Le blanchissage,