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est humainement possible de le faire. Ces magistrats sont nommés par le président parmi les hommes qui ont dépassé quarante-cinq ans, et leur service est de cinq années. Il n’y a plus d’école de droit. Les juges, formant une cour suprême, gardienne de la constitution, sont des hommes sages et instruits, d’une moralité irréprochable et d’un âge mûr. Les principes fondamentaux sur lesquels repose la société du XXe siècle empêchent tous les malentendus qui rendaient autrefois nécessaire la législation, bornée depuis à quelques maximes très simples. Les chefs-d’œuvre des anciens légistes sont respectueusement conservés dans les bibliothèques auprès des traités de scolastique de Duns Scott et de ses pareils, comme autant de monumens curieux d’une subtilité intellectuelle vouée à des sujets qui n’intéressent plus le monde moderne.

De même, l’absence de tentation supprimant un très grand nombre de délits, le rôle de la police est singulièrement diminué.

D’autre part, il n’est plus question de finances ; on n’a donc nul besoin de collecteurs d’impôts. Voilà une administration singulièrement réduite, au point de vue des économies.

— Comment le gouvernement se tire-t-il à lui tout seul de ces fonctions multiples, écrasantes, qui lui incombent?

— Ainsi qu’il suit : au-dessus des officiers de chaque corporation, il y a un général sous le contrôle immédiat duquel sont conduites toutes les opérations commerciales. Cet officier est à la tête du bureau national représentant telle ou telle branche de commerce dont il est responsable. Au-dessus de son grade, qui correspond à celui de général de division, il y a encore les chefs des dix grands départemens ou groupes de métiers réunis. Ils peuvent être assimilés à des commandans de corps d’armée, chacun d’eux recevant les rapports de dix à douze généraux de corporations diverses. Au-dessus de ces chefs des dix grandes divisions, formant son conseil, se tient le général en chef, qui n’est autre que le président des États-Unis. Il faut que ce général en chef de l’armée industrielle ait franchi tous les grades, depuis celui d’ouvrier à tout faire. C’est seulement grâce à l’excellence de ses notes que le travailleur peut s’élever, au-dessus des trois grades préliminaires jusqu’à celui de lieutenant et plus haut encore, toujours par la force du mérite. Le général de la corporation décerne les grades au-dessous de lui, mais il est élu par le suffrage des membres honoraires qui, rendus indépendans après vingt-quatre années de service, votent avec une entière connaissance et un non moins parfait désintéressement. Chacun des dix lieutenans-généraux est choisi de même entre les généraux des corporations, et le président, à son tour, parmi les dix chefs des grands départemens, mais