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choisie. L’ancienne abbesse fut la bienvenue, et Angélique traitée d’usurpatrice. Le confesseur du couvent voulut en vain la congédier par persuasion. On la chassa par force, avec celles qui voulurent la suivre. Les pauvres filles, suppliantes et voilées, trouvèrent asile chez les habitans de Pontoise. Elles obtinrent un arrêt contre l’ancienne abbesse, le confesseur du couvent et l’une des religieuses. L’abbesse s’enfuit par une porte du jardin, et la religieuse fut trouvée dans une armoire ; le confesseur, ayant sauté par-dessus les murs, alla se réfugier chez les jésuites de Pontoise.

Mme de Soissons, qui succéda à la mère Angélique, ne prit pas, dit Racine dans l’histoire qu’il en a écrite, un fort grand soin de maintenir la régularité à Maubuisson.

Ce court récit, sans rien apprendre, laisse tout supposer. L’énergie et la décision manquaient à Louise Hollandine, qui succéda à Mme de Soissons. « Plût à Dieu, disait sa nièce, Madame princesse d’Orléans, en retrouvant en elle les yeux de son père, qu’elle sût se faire obéir comme lui. » Après avoir faiblement commandé, elle voulut apprendre à bien obéir et se retira à Port-Royal, en demandant, à l’âge de soixante-trois ans, à y recommencer son noviciat.

Les dernières années de la reine de Bohême furent humiliantes pour les siens. Le traité de Westphalie, en rétablissant les affaires de sa famille, l’avait réduite à la misère. Les états de Hollande, voyant son fils aîné, Charles-Louis, rétabli dans le gouvernement du Palatinat, avaient supprimé le subside qui la faisait vivre. Elle avait, depuis longtemps, contracté des dettes écrasantes et ne pouvait quitter La Haye sans les payer. Charles-Louis, par un sentiment de devoir, disait-il, refusait d’employer, pour aider sa mère, les revenus d’un pays que vainqueurs et vaincus, pendant trente années de guerre, avaient saccagé et ruiné. Il n’aurait pas refusé à sa mère une chambre dans le château d’Heidelberg, mais il refusait de relever les ruines de Frankental pour lui donner les moyens d’y vivre princièrement. Il négligeait même, en alléguant la difficulté des temps, de lui envoyer les arrérages de son douaire. Elle se retira en Angleterre. Fort mal accueillie par son neveu Charles II, qui lui conseillait de différer son retour, et littéralement sans ressources, elle accepta l’hospitalité de lord Craven, avec lequel, sans aucune vraisemblance, on lui a supposé un mariage secret. La princesse des Ursins, dans une circonstance analogue, interceptant une dépêche dans laquelle on informait Louis XIV de ses relations trop intimes et de son mariage probable avec un gentilhomme espagnol, écrivait en marge : Pour mariée, non ! et, avec cette apostille, laissait la dénonciation suivre sa route. La reine de Bohême