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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/155

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schématiques dans l’étude de la physiologie. S’il fallait suivre le sang dans toutes les ramifications des petites veines et artères, ce serait sans fin : l’important est de savoir comment il circule, du cœur à la tête et de la tête au cœur. Si donc il convient d’alléger de nos jours le travail des élèves, la réduction doit porter sur la partie spéciale et descriptive des sciences modernes, non sur leur partie générale et philosophique, non sur leur rôle moral et social ; ajouter, ici, c’est en réalité diminuer la tâche, en la simplifiant et en la régularisant. La philosophie scientifique et morale, qui ramène toutes les vérités à leurs principes et les pousse toutes à leurs conclusions, les fixe du même coup dans la raison et dans la mémoire : elle rend la mémoire rationnelle et le raisonnement inoubliable. Donner enfin un cerveau à l’enseignement, ce n’est pas compliquer la difficulté, c’est la résoudre.

Ainsi, à tous les points de vue, qu’il s’agisse d’exercer l’esprit ou de le nourrir, de lui fournir une éducation de forme ou de fond, d’étendre ses horizons ou de les unifier à leur vrai centre de perspective, de concilier l’observation du réel avec l’essor vers l’idéal, la vision de ce qui est avec la conception de ce qui doit être, l’esprit d’observation avec l’esprit de spéculation, le sens de la vie individuelle avec le sens de la vie collective, les nécessités modernes avec les nécessités universelles, — ce sont les études morales et sociales qui doivent avoir le premier rang dans l’éducation, surtout dans l’éducation française : il faut y ramener tout le reste ; il faut, pour ainsi dire, moraliser et socialiser non-seulement l’étude des sciences de la nature, mais aussi l’étude des lettres et de l’histoire. De là ce problème : — Quelles sont les diverses sciences morales qui devraient être proposées à l’étude de la jeunesse française ? Dans quel ordre, à quel moment devraient-elles être enseignées ?


II.

Parmi les sciences morales et sociales, la plus essentielle à l’éducation de nos enfans, c’est celle où l’instruction et l’éducation même tendent le plus à se confondre : la morale. Certains éducateurs préfèrent s’en rapporter à l’action spontanée des lectures, des conversations, des circonstances ; ils craignent de donner des règles, de raisonner le bien ; ils pensent que la morale s’inspire, se respire en quelque sorte, plutôt qu’elle ne s’apprend ; que l’éducation doit se borner à créer une sorte d’atmosphère, de climat moral en dehors duquel il devienne impossible de vivre. Pour cela, dans nos collèges, on s’en remet entièrement aux études littéraires et historiques : on croit qu’il suffira de lire, dans les auteurs