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de faire un cours ex professo sur la nature et sur les attributs de Dieu ; il associe étroitement dans leur esprit à l’idée de la cause première et de l’être parfait un sentiment de respect et de vénération, et il habitue chacun d’eux à environner du même respect cette notion de Dieu, alors même qu’elle se présenterait à lui sous des formes différentes de celles de sa propre religion. »

On a, de certains côtés, blâmé cette rédaction, si réservée pourtant et si sage, et il faudrait peut-être s’attendre à quelques récriminations si l’enseignement moral était organisé dans les collèges. C’est qu’on ne fait point ici les distinctions nécessaires. L’enseignement de la morale ne doit pas être « confessionnel, » car alors il choquerait la liberté de conscience, dans un pays aussi divisé que le nôtre, mais il ne s’ensuit pas que l’enseignement moral doive être absolument étranger à toute doctrine philosophique, ni même que le nom de Dieu en doive être banni comme celui de la vierge, des saints, de Luther et de Calvin. Bien plus, étant donné l’état actuel des esprits en France, loin d’être contraires à la laïcité de l’enseignement, des notions très générales sur Dieu sont un des moyens les plus sûrs d’entretenir l’esprit laïque et de combattre l’esprit clérical. C’est précisément, en effet, pour dégager l’idée de Dieu de ses accessoires confessionnels qu’il convient d’en parler aux enfans sous une forme large et libérale. Il faut leur faire comprendre que cette idée de Dieu n’est pas nécessairement liée à celles de confession, de communion, de damnation, etc. Par là un esprit de tolérance, trop rare encore chez nous, s’insinuera peu à peu dans la jeunesse. Au contraire, faites le silence absolu sur toutes ces questions ; vous laisserez croire qu’elles sont non philosophiques, mais uniquement théologiques ; par cela même vous déchaînerez au sein de notre pays tous les fanatismes, soit religieux, soit antireligieux. Les adversaires mêmes des religions positives vont donc contre leur but en voulant proscrire de l’enseignement ce qu’ils appellent la « religion naturelle, » et en habituant les enfans à confondre (comme ils le font d’ailleurs eux-mêmes) les opinions philosophiques avec les dogmes théologiques. Quoi qu’on pense des religions positives et même de la « religion naturelle, » les diverses formes que prend la foi en un principe supérieur à l’univers ont un fondement commun, bon ou mauvais, et ce fondement est surtout d’ordre moral. Or, on ne peut guère admettre qu’un jeune Français ne connaisse pas les raisons et les sentimens qui sont la base commune des diverses religions dans tous les pays civilisés. En évitant la forme dogmatique, il est essentiel de dégager ces raisons, dont les enfans devenus hommes auront plus tard à apprécier, — s’ils le peuvent, — la valeur absolue ou relative. Un