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Je veux parler de l’influence que nous avons pu acquérir sur la population indigène, mahométane et juive, et cela, grâce au développement de notre enseignement public.

Au début de cette étude, j’ai raconté qu’en débarquant à la Goulette, je ne m’étais pas cru transporté le moins du monde sur une terre en voie de devenir française. Pourquoi? Parce que je savais qu’on nous l’avait offerte cette terre et que, par un désintéressement incompréhensible, nous l’avions refusée pour n’y exercer qu’une protection sans avantage marqué pour nos colons; que la métropole persistait, en raison d’un étroit calcul protectionniste, à ne pas aller au-delà des limites qu’elle-même s’était imposées en envoyant à Tunis un représentant de la France. Et s’il faut tout dire, j’éprouvai une impression pénible lorsque je vis désert le port de la Goulette, conséquence fatale des droits qui frappaient les produits tunisiens de culture française, à leur arrivée de Marseille.

Par la suite, j’ai bien été forcé de reconnaître que la France exerçait en Tunisie une action prépondérante, et non sans un certain allégement, je constatai que de vastes étendues de terres et les administrations principales étaient aux mains de nos nationaux : française la grande culture, français le plus important des chemins de fer, française la justice pour les étrangers, française l’instruction publique, français les noms des rues et les enseignes de boutiques ; grandes et petites choses d’où ressortait l’orientation d’un pays nouveau vers la France, la progression lente, mais ascendante de notre influence.

La langue française, la seule en usage dans les quartiers européens de la capitale, les efforts que font les jeunes gens indigènes pour se l’assimiler, accentuent cette orientation dont nous devons être heureux et qu’il est de tout intérêt d’accélérer.

Jusqu’au jour de notre arrivée en Tunisie, l’enseignement musulman avait été religieux exclusivement. Les mosquées tenaient lieu d’écoles, et les beys, pas plus que leurs ministres, ne s’y intéressaient. De nos jours encore, la mosquée de l’Olivier, le Djamaa Zitouna, est une université théologique moins célèbre que celle d’El-Hazar du Caire, mais dont la réputation est cependant très grande. Elle est dirigée par le plus haut dignitaire religieux de la régence, le cheik-ul-Islam, deux muphtis et deux cadis. Les études sont conduites par quarante-deux professeurs de première ou de deuxième classe, et quatre-vingts professeurs auxiliaires se divisant entre les deux rites qui se partagent Tunis. Elles portent sur un nombre assez grand de sujets dont les principaux sont la grammaire, la rhétorique, la littérature, la métrique, la morale, la logique, la théologie, la science des traditions, l’interprétation du