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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/441

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paraît à l’orateur le vrai moyen d’établir le droit sacré de chaque individu à une parcelle de terre. Que dire des compagnies de chemins de fer ? Non-seulement les hommes y sont mal payés, mais les tarifs qu’elles prélèvent sont exorbitans. Il appartient à l’État de s’en emparer, de se saisir aussi de la direction des hôpitaux et des institutions charitables. Quant aux municipalités, elles auront pour devoir de créer des fabriques et des ateliers. Mais la péroraison approche. Un murmure approbateur accueille les paroles du président lorsqu’il rappelle que les honneurs et les dignités ne devraient pas être le privilège de la naissance, mais bien la récompense du mérite. Il insiste encore une fois sur la nécessité de l’union et se demande si les sommes énormes dont disposent les associations ne pourraient pas, au cours des grèves futures, être distribuées avec plus de libéralité ou même servir à procurer de l’ouvrage aux camarades inoccupés. Il ne veut pas terminer sans déplorer la retraite de M. Broadhurst, qui, dit-il, a bien mérité du peuple, et sans exprimer hautement l’espoir que le vingt-troisième congrès ouvrier sera le point de départ d’une ère nouvelle dans l’histoire des trades-unions.

Le lecteur n’aura pas manqué de remarquer à quel point l’esprit général des revendications de M. Matkin est hostile à ceux qui possèdent, qu’ils s’appellent chefs d’industrie ou capitalistes. On chercherait vainement dans sa harangue la reconnaissance de ce fait que les patrons ont aussi des droits et qu’il ne leur est pas interdit de les faire valoir. Encore un peu et l’orateur ajoutait qu’il ne devrait y avoir qu’une classe, celle à la tête de laquelle il se trouve précisément. Cette manière de n’envisager qu’un seul côté de la question n’est pas moins frappante que la tendance du président à réclamer, à propos de tout, l’aide des chambres ou du pouvoir exécutif. Il semble n’avoir qu’une foi médiocre dans les décisions que prendra le congrès, si l’État n’est pas là pour les rendre obligatoires ou, tout au moins, pour les appuyer de son autorité. Peut-être y a-t-il dans ce besoin de protection l’indice de la faiblesse de quelques-uns, une sorte de sentiment instinctif qui pousse certains unionistes à douter de la puissance ou de la cohésion du corps tout entier. Dès que M. Matkin a fini, des conversations particulières s’engagent, on discute avec animation le ton de l’adresse, l’assemblée est visiblement agitée. La délibération qui a suivi devait se ressentir de l’excitation générale. On passait à la discussion du rapport de M. Broadhurst, il s’agissait d’adopter ou de rejeter l’œuvre du comité parlementaire. Successivement, M. Marks, de Londres, M. Woods, de Wigan, M. Cowey, de Wakefield, attaquent violemment la commission exécutive ; elle a manqué à tous ses devoirs, elle a fait faillite à tous les engage-