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père, Nicolas s’était marié à Nantes avec l’unique héritière d’un riche magistrat breton du nom de Fourché. Cette union, par malheur, ne devait pas être durable ; dix-huit mois s’étaient écoulés à peine, la jeune femme mourait, laissant une petite fille. L’époux affligé n’eut pas la triste consolation d’un long deuil ; Richelieu ne lui laissait guère de loisirs, et quand Richelieu disparut, ce fut Mazarin qui s’empressa de le distraire. De 1643 1648 il exerça les fonctions d’intendant de police, justice et finances, d’abord à l’armée du Nord, auprès du maréchal de Châtillon, puis en Dauphiné, puis en Catalogne, puis derechef à l’armée de Flandre, auprès du maréchal de Gassion.

Voici venir la grande épreuve ; entre le parlement et Mazarin l’orage gronde ; c’est à ce moment-là que Mazarin fait appeler Nicolas Foucquet à l’intendance de Paris, fonction en tout temps délicate, quasi périlleuse alors ; si Mazarin l’y a fait appeler, c’est qu’il le sait habile, avisé, prompt d’esprit et fertile en ressources, et, en effet, son client a toutes ces qualités-là. Mais voilà que tout à coup le parlement supprime les intendances ; Foucquet ne s’en retrouve pas moins intendant de Paris hors Paris, nourrissant l’armée royale qui bloque Paris, et quand l’accommodement se fait vaille que vaille, c’est encore lui qui facilite le ravitaillement de Paris, après quoi il reprend, comme si de rien n’était, son service de maître des requêtes.

A la Fronde simplement parlementaire va succéder la Fronde mi-partie du parlement et des princes. « Nous touchons, dit M. Lair, à un point décisif de la vie de Foucquet. Les circonstances vont le porter à une situation telle qu’il n’en avait jamais pu rêver de semblable. Depuis six mois, il travaillait sous les yeux de Mazarin, et ce connaisseur en hommes avait bientôt deviné que dans ce maître des requêtes intelligent, brave, passant aisément de l’audience à l’armée, se trouvait l’étoffe d’un plus grand personnage. De fait, Nicolas Foucquet, par son éducation de famille, par ses études, par sa vie administrative, présentait une variété d’aptitudes toujours rare et plus particulièrement précieuse dans des temps troublés où il faut instantanément faire face à des difficultés multiples et inattendues. » Mazarin n’avait décidé rien de moins que de faire de Foucquet le procureur-général du parlement de Paris. C’était le pousser en grand’garde, mieux encore, en pointe dans le camp même de l’adversaire.

Le poste était vraiment périlleux, d’autant plus que celui qui en avait le souci n’était pas sûr d’être toujours assisté par ses aides, ceux que comprenait avec lui l’appellation commune de gens du roi. Le procureur-général était un grand personnage, mais les avocats-généraux qui lui étaient légalement subordonnés