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de tant de courans opposés, de remous, de tourbillons et d’écueils. Pas une seule fois il ne se laissa échouer. C’était à lui que Mazarin, banni, s’adressait pour ses grands et ses petits intérêts, pour le soin de sa politique, comme pour le souci de ses bénéfices et de ses nippes : « Je remercie de tout mon cœur M. le procureur-général de la bonté qu’il a pour moi touchant la mainlevée des saisies; je n’en serai jamais ingrat. Je le prie de continuer, car je n’ai qui que ce soit au parlement qui me donne aucun secours, et, faute de cela, l’innocence court grand risque d’être opprimée... Je suis fâché au dernier point de la vente de mes belles tapisseries... J’ai travaillé vingt ans à les mettre ensemble et je les perds en un instant. Je vous prie de conférer avec M. de Lionne pour voir si je pourrois au moins sauver le Scipion et le Pâris. » Il y avait aussi la bibliothèque, la célèbre bibliothèque; il n’y eut pas moyen d’empêcher qu’elle fût vendue à l’encan, mais on réussit à racheter quelques-unes des plus belles pièces.

C’étaient là de bons offices, mais personnels et d’ordre inférieur; ce fut, au contraire, un grand, un inestimable service rendu au roi et à l’État lorsque, après le combat du faubourg Saint-Antoine et le massacre de l’Hôtel de Ville, Foucquet fit décider la translation du parlement à Pontoise. A la première séance de la cour transférée, on ne compta que dix-huit conseillers et quatre maîtres des requêtes ; mais il y avait à leur tête le premier président, le procureur-général et deux présidens à mortier. Les réfractaires, demeurés à Paris trois fois plus nombreux, n’en étaient pas moins étonnés et embarrassés ; en fait, ils ne siégeaient que pour la forme. Trois mois après, ceux de Paris et ceux de Pontoise se retrouvaient ensemble au Louvre, sous le regard sévère du jeune Louis XIV rentré dans sa capitale. L’événement de ce lit de justice fut la harangue de Foucquet célébrant les funérailles de la Fronde parlementaire. Désormais, le parlement, humilié, était exclu de toute participation aux affaires d’administration et de finances, tandis que, dans ce moment même, le procureur-général aspirait, — quò non ascendam? — à diriger de haut les unes et les autres.


II

Le 2 janvier 1653, le marquis de La Vieuville, surintendant des finances, vient à mourir subitement : le même jour, Foucquet écrit à Mazarin pour demander la place. Il a de nombreux concurrens, gens de robe et gens d’épée, Servien, le président de Maisons, les maréchaux de L’Hôpital et de Villeroy, Le Tellier même. Pour se tirer d’embarras, au lieu d’un surintendant, Mazarin en fait deux,