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Choa, le marquis Antinori et d’autres pionniers de l’Italie refirent les routes si souvent parcourues par nos voyageurs, par Caillaud, Lejean, MM. d’Abbadie et Borelli. Nachtigal reprit au Soudan l’itinéraire de Barth, et peu d’explorateurs rendirent à la science de plus signalés services : il revit le lac Tchad, les royaumes avoisinans, pénétra au Ouadaï, au Darfour, revint à la Méditerranée par les montagnes jusque-là vierges du Tibesti. M. Gerhard Rohlfs rentrait simultanément dans les solitudes du Sahara oriental et septentrional, il les parcourait à nouveau, de l’Egypte au Maroc. Notre Sahara français, où la longue liste de nos éclaireurs est trop souvent un nécrologe, était étudié par Largeau, Dournaux-Dupéré, Soleillet, Flatters. Le docteur Lenz prenait en écharpe le grand désert à son extrémité occidentale et descendait du Maroc à Tombouctou.

La plupart de ces voyageurs ne faisaient qu’étendre et coordonner les découvertes de leurs devanciers. Dans cette Afrique si vaillamment attaquée, un seul problème restait entier : qu’était-ce que le Congo, le grand fleuve du centre équatorial ? On n’en connaissait que l’embouchure ; ceux qui en avaient vu les sources et les affluens, comme Livingstone et Cameron, hésitaient sur l’attribution de ces eaux qu’ils n’avaient pas pu suivre. Nos compatriotes essayèrent d’arriver au fleuve par l’Ogowé ; Marche et Compiègne furent arrêtés, M. de Brazza y parvint, et ses campagnes ont eu pour résultat de transformer notre petite colonie du Gabon en une province plus étendue que la mère patrie, le Congo français. Mais l’honneur d’avoir résolu le dernier des grands problèmes africains revient pour la plus large part à M. Stanley ; grâce à ses explorations réitérées, de 1871 à 1877, le Congo fut enfin reporté sur les cartes à sa vraie hauteur, il s’ouvrit au-dessus des chutes à la navigation européenne ; et l’on put s’aventurer sur ses grands affluens de la rive droite, l’Oubanguî, l’Arruwîmi. L’inventaire de l’Afrique s’enrichissait d’un réseau fluvial peut-être unique dans le monde, 10,000 kilomètres d’eaux profondes serpentant à travers les forêts vierges et les terres végétales de l’équateur.

Tels étaient les résultats acquis il y a dix ans, quand les diplomates s’avisèrent à leur tour de découvrir l’Afrique centrale. Nous allons les voir à l’œuvre.


III.

L’Europe, telle qu’elle est sortie des événemens de 1870, a été travaillée après dix années de paix par un mouvement d’expansion coloniale dont je n’ai point à rappeler les causes économiques. Des causes morales y contribuaient ; les vainqueurs cédaient à la tentation