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UN EPISODE
DE LA
VIEILLESSE DU DUC DE WELLINGTON

Le duc de Wellington est un des personnages historiques les plus difficiles à définir. On l’a rangé parmi les grands hommes incomplets, auxquels il a manqué quelque chose pour figurer parmi les plus glorieux et pour mériter tout leur bonheur, pour remplir toute leur destinée. Mais quand on cherche à faire son portrait, on éprouve quelque embarras, tant il y avait en lui un bizarre amalgame de qualités et de défauts qui semblent s’exclure. Ses amis eux-mêmes, ceux qui l’ont le plus approché et le mieux connu, le trouvaient fort compliqué et tour à tour supérieur ou inférieur à ce qu’ils attendaient de lui ; ils pensaient que, soit qu’on le louât, soit qu’on le blâmât, il fallait toujours craindre d’en dire trop ou de n’en pas dire assez.

En ce qui concerne ses qualités d’homme de guerre, l’accord s’est fait depuis longtemps, et personne ne se permet de douter qu’il ne possédât quelques-unes des parties d’un grand capitaine, la sûreté du calcul, l’esprit de combinaison, l’art de saisir les occasions, l’art de les préparer ; mais il n’avait pas les dons surnaturels, les inspirations soudaines, les yeux qui voient tout et l’ardeur divine. Ce qui domine en lui, c’est la réflexion, la faculté de tendre obstinément à ses fins, sans jamais s’en laisser distraire ni détourner. Quand il n’était encore que sir Arthur Wellesley, secrétaire d’état au département de l’Irlande, on l’envoie en Portugal prendre le commandement de l’armée.