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leur donnait des conseils fort sages. Du jour au lendemain, il fut atteint de la manie de se clore, de ne plus recevoir personne : il se rendit inaccessible à ses proches eux-mêmes, une demande d’audience le jetait dans une violente colère. « C’était, nous dit Gréville, un état morbide qui frisait la folie. »

il était naturel que ses rapports avec miss J… se ressentissent de ses nouvelles dispositions. Aussi bien, elle n’avait plus vingt ans, et les dévotes qui se fâchent vieillissent vite. Mme de Liéven sur le retour, causant avec un ambassadeur d’Espagne, lui demanda ce qu’il pensait de la ravissante lady Seymour. Le galant Espagnol la regarda d’un air tendre et répondit : « Elle me paraît trop jeune et trop fraîche, j’aime les femmes un peu passées. » Le duc de Wellington était d’un autre avis ; il goûtait peu les fleurs à demi passées, il exigeait qu’on fût fraîche et jeune. « J’accomplis tous mes devoirs mondains le mieux que je peux. Miss J… méprise les choses d’ici-bas ; mais si tout le monde suivait son bon exemple, le monde en pâtirait… Le feld-maréchal duc de Wellington présente ses complimens à miss J… Il avait cru comprendre qu’elle désirait ne plus entendre parler de lui. C’est pour cela qu’il n’écrivait pas, et, s’il écrit aujourd’hui, c’est par pure courtoisie. » On voit qu’il cherche à rompre ; mais on ne rompt pas avec miss J… Essaie-t-on de lui échapper, elle s’attache, elle se colle, on reste pris dans sa glu. Le refroidissement du duc la navrait : elle l’imputait à Satan, qui avait juré de lui reprendre l’âme qu’elle voulait donner à Dieu.

Cette liaison finit, comme beaucoup d’autres, par une demande d’emprunt. Miss J… avait perdu sa santé, il lui était venu une tumeur au sein. Son état exigeait de grands soins, et malheureusement ses affaires s’étaient dérangées. Elle se dit que « l’or et l’argent sont à Dieu, qui en dispose à son gré, » et elle recourut au duc, lui exposa sa situation, implora son secours. Quoiqu’il se montrât quelquefois généreux, il n’était pas tendre pour les souffrances d’autrui, qu’il traitait volontiers de maux imaginaires. Toutefois il consentit à venir en aide à miss J… ; mais il lui fit connaître son bon vouloir sur un ton fort maussade. Il l’assure « qu’il n’a jamais lu un exposé d’embarras pécuniaires tel que celui qu’elle lui adresse. » Combien veut-elle ? Où et quand doit-il verser la somme ? Il l’engage à écrire lisiblement sa réponse. Elle est furieuse et refuse de s’expliquer davantage. Là-dessus, il se retire, déclare qu’à son humble avis, tout compté, tout rabattu, elle peut se passer d’un secours immédiat. Nouvel accès de fureur de miss J… Il était dans son caractère de refuser avec hauteur ce qu’on ne lui offrait pas. Elle écrit au duc qu’elle lui retournera toute lettre chargée qu’il pourrait lui envoyer. Elle n’aura pas à se défendre, il n’enverra rien. C’est une brouille, ce n’est pas une rupture. Sur le point de