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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/473

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pour le mettre à la raison. Ils ne tiennent pas plus de compte des vœux du pays que des garanties les plus anciennes, les plus inviolables. En vérité, ils se font une telle habitude des procédés discrétionnaires, ils finissent par avoir un sens si émoussé et si obscur de la légalité qu’ils ne s’en aperçoivent même plus, — et ils l’ont montré depuis quelque temps dans ces invalidations prononcées au hasard comme dans ce système d’amendes administratives, qu’on inflige à des prêtres de village, qu’on sentait ces jours-ci le besoin d’expliquer.

Comment et quand finira-t-elle, cette révision ou cette épuration électorale qui a été interrompue et qu’on va nécessairement reprendre dès demain ? Des élections qui restent à vérifier, qui ont été mises en réserve, combien en pourrait-on sauver ? A voir comment procède la majorité républicaine, on ne peut rien dire. Une circonstance fortuite, inexpliquée, jetée brusquement dans la discussion, suffit pour faire annuler un scrutin. Ce qui est à peine remarqué dans une élection devient un crime irrémissible dans une autre élection. Des députés sont validés sans être moralement élus ou avec le médiocre avantage de deux ou trois voix, et à côté des députés qui ont deux mille voix de majorité sont invalidés. Ce sont des histoires d’hier qui peuvent recommencer demain. Il n’y a évidemment dans ces contradictions, dans ces invalidations de colère qu’une raison de parti, et c’est là justement que la majorité républicaine dépasse ses droits, sans s’apercevoir qu’elle inflige parfois au suffrage universel une sorte de jugement d’indignité. Mieux eût valu certainement s’en tenir à l’idée qu’on paraissait avoir eue d’abord et se borner à la vérification la plus simple des opérations électorales. Le moins qui puisse arriver aujourd’hui, c’est que ce système des invalidations de parti auquel on s’est laissé entraîner provoque des discussions passionnées où le procès des candidatures officielles sera peut-être instruit avec des détails qui ne manqueront pas. On s’y attend, ce sera sans doute curieux. M. le ministre de l’intérieur Constans est bien sûr d’avance d’être absous par une majorité qui lui doit en grande partie ses succès. Le procès de l’administration, provoqué par les invalidations discrétionnaires, ne sera pas moins instruit devant le pays. On ne sera pas plus avancé quand cet exposé des faits, des abus de pouvoir, des pressions violentes, des délations clandestines, des disgrâces infligées à de petits fonctionnaires inoffensifs aura retenti partout, ravivant jusqu’au fond des provinces les haines locales, les souvenirs irritans des luttes passées. On l’aura voulu ! Mais ce qu’il y a de plus caractéristique, de plus grave dans la politique d’aujourd’hui, c’est l’arbitraire établi dans les relations du gouvernement avec le clergé, procédant par des suppressions administratives de traitemens.

Ce n’est pas d’aujourd’hui, sans doute, que la question est livrée à toutes les contestations. Elle a été débattue plus d’une fois, elle a été