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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/475

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prévenir M. le préfet de la Seine et M. le préfet de police qu’il les recevrait dans son palais, — et les deux magistrats se sont rendus très humblement à l’invitation ! On ne dit rien, on est trop affairé avec les desservans, pour s’occuper des illégalités du conseil municipal ! Sait-on comment tout cela s’appelle ? C’est toujours la politique incohérente et versatile de parti, violente pour les uns, complaisante pour les autres, mettant l’arbitraire partout, dans ses sévérités comme dans ses complicités ; c’est encore la continuation de la politique qui a depuis dix ans accumulé les déceptions et les irritations dans le pays, dont les élections dernières ont été sûrement le désaveu. Eh bien ! au moment où les chambres se réunissent, c’est là précisément la question. Il faut sortir de là : il faut se décider à faire rentrer l’équité, la tolérance, la modération, l’esprit de prévoyance et d’ordre dans la politique. Il le faut si on ne veut pas qu’une législature de plus se perde dans les agitations stériles et dans l’impuissance devant un pays toujours déçu et toujours trompé !

On ne voit pas heureusement qu’il y ait rien de changé en Europe, ni même qu’il y ait à l’horizon des nuages suspects, des signes de changemens prochains. L’année qui vient de finir s’est passée sans trouble pour le continent, l’année qui vient de commencer, qui déjà n’est plus entière, s’ouvre sous les auspices de la paix. Jamais peut-être il n’y eut concert plus unanime et plus réconfortant de déclarations rassurantes, de manifestations de confiance. Ce ne sont, de toutes parts, que complimens et promesses favorables pour les peuples. Le roi Humbert, dans les réceptions du 1er janvier à Rome, a paru tout heureux de parler de la paix en souverain qui la désire et qui croit à sa durée. L’empereur Guillaume d’Allemagne, dans une lettre qu’il a écrite au chancelier pour ses étrennes, se félicite « non-seulement d’avoir conservé la paix extérieure dans l’année qui finit, mais d’avoir pu augmenter les garanties du maintien de la tranquillité générale. » M. le président Carnot, en recevant au nom de la France le corps diplomatique à l’Elysée, a témoigné le désir et l’intention de consacrer ses efforts à « continuer les grandes œuvres de paix et de progrès ; » il n’a même pas caché qu’il espérait y réussir avec le concours éclairé des diplomates rassemblés autour de lui, avec la volonté persévérante de tous les gouvernemens. Bref, on ne parle que de paix dans toutes ces cérémonies et ces félicitations du jour de l’an. Oh ! sans doute, il y a au fond de tout une contradiction, un mystère : comment concilier tant de déclarations rassurantes, tant de vœux pacifiques, et le développement continu, toujours croissant, des armemens militaires ? Comment mettre d’accord les paroles et les actions ? oui, comment conciliera-t-on tout cela ? Le mieux est peut-être de ne pas prétendre tout expliquer ni voir trop loin, de profiter sans illusion et