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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/578

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qu’avec les canons qui portent plus loin que les télescopes, il suffirait d’établir ici quelques batteries pour pulvériser Paris en vingt-quatre heures.

La place serait de choix, meurtrière entre toutes, et mériterait les éloges de la stratégie la plus raffinée. Plaise à Dieu qu’elle ne cesse d’être ce qu’elle est aujourd’hui, un lieu d’asile où grandissent des orphelins. Pendant que j’évoquais les fantômes de la guerre, les enfans, plus sages que moi, jouaient dans leur préau. Courant, criant, actifs et joyeux, ils dépensent pendant la récréation le trop-plein de vie qui les anime. C’est bien, et je ne puis qu’approuver, car je sais que le bruit et le mouvement sont les élémens mêmes du repos de l’enfance qui travaille. Les maîtres le savent aussi, car ce sont les frères de la doctrine chrétienne qui dirigent l’orphelinat et qui n’ont qu’à tourner les yeux vers la vallée pour apercevoir la maison où ils iront peut-être terminer leurs jours.

Non-seulement on laisse les écoliers s’amuser sans contrainte, et rivaliser d’émulation au cheval fondu, aux barres, à la balle au camp, mais dans un préau couvert, j’aperçois des jouets en bon nombre ; des échasses, de grosses boules sur lesquelles il faut se tenir en équilibre, des traîneaux, appareils destinés à des exercices violens qui exigent de l’adresse et entretiennent la vigueur musculaire. Ailleurs je vois la salle de gymnastique couverte, richement outillée, toute neuve encore, et sur le parquet de laquelle il est urgent de répandre un épais lit de sable, et mieux encore de grès pulvérisé, car s’il est vrai que les os des enfans contiennent beaucoup de gélatine, il n’est pas moins certain qu’un écolier se casserait un membre, en tombant du portique ou d’un trapèze en action. Dans cet établissement, dont les proportions n’ont rien à envier à celles de l’hospice Ferrari et de la maison de retraite, tout me paraît avoir été prévu pour favoriser le développement physique des orphelins que l’on y recueille. Les classes, les dortoirs, les réfectoires reçoivent l’air et la lumière à profusion ; l’hygiène la plus scrupuleuse n’y trouverait rien à reprendre ; l’eau seule n’y arrive pas encore avec autant d’abondance qu’on pourrait le désirer ; inconvénient auquel on remédie à bras d’homme, qui est causé par l’altitude même des terrains et qui va promptement cesser grâce à des travaux hydrauliques déjà entrepris.

L’énormité des dégagemens fait office de ventilateur perpétuel ; chacune des parties de ce modèle des orphelinats et de toute construction scolaire est tellement vaste que l’on pourrait y redouter le froid, si une demi-douzaine de calorifères occupant une portion du sous-sol n’attiédissait la maison entière. Une salle pour les bains complets, une salle pour les bains de pieds, — dont il sera bon