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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/707

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toujours, ne consentirait pas à l’épouser ; et, comme François lui répond en termes assez peu engageans, elle hésite. C’est Boisvillette, alors, qui se présente, et, pris au piège qu’il s’était tendu, c’est lui qui s’offre à Margot pour mari. Margot, qui ne l’aime point, lui remontre qu’elle ne lui convient guère, et Boisvillette aussitôt se retire. Elle repousse également les propositions moins honnêtes, ou même un peu « canailles, » de l’ami Léridan, qui voit toujours en elle la filleule de Carline. Il y a ainsi des sots, en qui la sottise même, faisant les effets du scepticisme, y fait presque ceux de l’esprit ; et Léridan n’est qu’un sot. Mais, comme il faut bien finir d’une manière ou d’une autre, se résignant à sa fortune, Margot, quoi qu’il lui en coûte, épousera François. Voilà un sot mariage, et, — à moins que ce dénoûment ne soit peut-être ironique, — voilà un étrange dénoûment, comme ne répondant ni à la situation, ni à l’idée que l’on nous a donnée du caractère de Margot, encore moins aux toilettes qu’elle porte, à la manière de vivre dont elles sont le luxueux témoignage, ni surtout à la question qu’on s’était engagé de résoudre, puisque encore une fois on nous l’avait proposée. Si je me passe volontiers que l’on traite des « questions » au théâtre, au moins alors ne faut-il pas qu’on en pose. M. Meilhac en a posé une, peut-être deux, peut-être trois, pour nous laisser dans l’entière ignorance de ce qu’il en pourrait advenir.

Il y a cependant deux ou trois points dans ce troisième acte sur lesquels je voudrais défendre Margot ; et, par exemple, je n’ai point compris que l’on reprochât à M. Meilhac le langage qu’il a mis dans la bouche de son garde-chasse. Lorsque Margot lui demande s’il épouserait encore la femme qui l’a repoussé, François, sachant d’ailleurs qu’elle a dans le cœur un autre amour, lui répond qu’il ne pourrait pas se défendre de quelque défiance, et par conséquent aussi de quelque sévérité. On a trouvé ce discours un peu dur ; il n’est pourtant que naturel ; et à ce propos, si je faisais une critique à M. Meilhac, ce serait plutôt de n’avoir pas donné aux paroles du garde-chasse tout ce qu’il aurait pu, s’il l’eût voulu, leur donner d’ampleur et d’autorité.


Pour être garde-chasse on n’en est pas moins homme :


ce ne sera pas une chose facile que de sauver Margot d’elle-même ; et puisque François se rend compte que son ménage avec Margot ne sera pas celui d’un couple d’amoureux, il fait loyalement de l’en avertir.

D’autres encore se sont étonnés que Margot n’épousât pas M. de Boisvillette, et qu’elle lui en donnât pour raison que de l’épouser, ce « ne serait pas honnête. » Le sentiment est pourtant juste et délicat. Si le mariage qu’elle fait avec François est un peu au-dessous d’elle, et s’ils seront probablement très malheureux ensemble, le mariage avec M. de