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dans les détails d’un problème aussi complexe, on en reviendra nécessairement aux transactions. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on est en face d’une grande et sérieuse affaire qui échappe à la politique de parti, dont la solution peut décider pour longtemps de la fortune et de l’avenir de la France.

Quand l’Europe occupée de ses affaires intérieures est à peu près à la paix ou se complaît, si l’on veut, aux apparences de la paix, il faut donc qu’il y ait toujours quelque contre-temps, quelque trouble inattendu dans les rapports des nations. Le trouble. — partiel, accidentel, momentané, il faut encore le croire, — est venu cette fois de cette étrange querelle que l’Angleterre fait au petit Portugal à propos de quelques territoires africains du Zambèze et du Chiré sur lesquels deux puissances si inégales prétendent avoir des droits. Ces droits, quels qu’ils soient, qu’ils résultent de l’histoire ou de traités plus récens, sont-ils absolument inconciliables ? La diplomatie, avec un peu de patience, n’aurait-elle pas pu finir par débrouiller toutes ces obscurités et par mettre d’accord toutes les prétentions ? Ce n’est évidemment que par des négociations de bonne volonté qu’on aurait pu arriver à une transaction à demi équitable, et une conférence européenne réunie il y a quelques années à Berlin, justement pour délibérer sur toutes ces questions, avait indiqué le moyen le plus simple de trancher tous les différends. — l’arbitrage. Si le Portugal, qui est après tout la plus ancienne puissance colonisatrice au centre de l’Afrique, exagérait ses droits historiques, la diplomatie et l’arbitrage pouvaient le ramener à la raison, même aux concessions nécessaires. Le fait est que l’Angleterre semble avoir voulu précisément devancer tout appel à l’arbitrage, qu’elle a tenu à tout brusquer et qu’elle a procédé comme elle procède quelquefois, — sommairement. Du jour au lendemain, lord Salisbury a chargé le ministre de la reine, M. Glynn Petre, de remettre au cabinet de Lisbonne un ultimatum mettant le Portugal dans l’alternative de rappeler ses forces campées sur le Chiré ou de courir les chances d’une rupture dans les vingt-quatre heures. Le Portugal, quoique offensé dans sa fierté, ne pouvait faire autrement que de plier devant la force : il a envoyé à ses autorités de Mozambique les ordres qu’on exigeait de lui. Il a cédé, en réservant toutefois les droits de la couronne portugaise et aussi le droit de recourir à un arbitrage que lui donne la convention de Berlin. C’est la première phase du conflit !

Quelle sera la suite ? On ne peut trop le pressentir encore. Lord Salisbury et les Anglais, dont il a flatté l’orgueil, les instincts envahissans, par cet acte de force, ont cru peut-être qu’il n’y avait qu’à frapper un coup un peu rude pour que tout fût fini par la soumission du Portugal. Ce n’est, au contraire, que le commencement d’une affaire qui garde sa gravité, et par toutes les questions qu’elle soulève, et par les