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soubassement à l’édifice. Des ouvriers, les uns accoutrés de guenilles, les autres vêtus du pittoresque costume des îles, travaillaient avec une sage lenteur à transporter dans des couffes de jonc les terres et les débris accumulés ; d’autres roulaient, le long du mur d’enceinte, les tambours de colonnes épars çà et là depuis l’explosion de 1687. De longue date, pareille activité n’avait régné sur le plateau de l’Acropole, où la solitude habituelle était à peine troublée par quelques rares visiteurs ou par le pas nonchalant des vieux gardiens des ruines.

L’historique des fouilles peut se faire en quelques mots. Les premiers essais d’exploration méthodique entrepris dans l’enceinte de l’Acropole remontent à dix ans. En 1879, M. Lambert, architecte du palais de Versailles, alors pensionnaire de l’Académie de France à Rome, fit exécuter des sondages autour de l’Érechthéion. Deux ans plus tard, un de ses successeurs, M. Blondel, eut l’idée de reconnaître le niveau du rocher entre le temple et le rempart septentrional ; quelques coups de pioche de plus, et l’on arrivait à la couche de débris où étaient enfouies les précieuses statues découvertes par la suite. Malheureusement, des incidens sans gravité, grossis à dessein, firent suspendre les travaux de notre compatriote. Des tessons, jetés par-dessus le mur, avaient brisé les vitres d’une maison ; un caillou avait atteint un enfant : tels sont les misérables prétextes qu’allégua la mauvaise volonté de l’éphore général des antiquités alors en fonctions. Il fallut renoncer à pousser plus loin les recherches. Quelques années plus tard, la Société archéologique d’Athènes se mettait à son tour en campagne et entreprenait de sonder partout le sol jusqu’au roc vif. Le nouvel éphore des antiquités, M. Stamatakis, fit quelques trouvailles heureuses ; mais la mort le surprit en 1885. Son successeur, M. Cavvadias, a été plus heureux. C’est lui qui a reconnu les vestiges de l’ancien temple d’Athéna, antérieur au Parthénon, et qui, non loin de là, a mis la main sur un véritable trésor. On n’a pas oublié quel retentissement ont eu ses premières découvertes. Toute la presse européenne a raconté comment, le 5 février 1886, en présence du roi Georges, ses ouvriers exhumèrent, près de l’Érechthéion, une admirable statue de femme, de style archaïque, bientôt suivie de six autres ; un véritable coup de fortune amenait au jour une série d’œuvres charmantes, enfouies depuis des siècles avec les débris accumulés par l’invasion des Perses. Mais M. Cavvadias ne s’en est pas tenu là. Avec une énergie et un esprit de suite auxquels il n’est que juste de rendre hommage, il a réalisé le rêve de tous les archéologues et exploré le sol si fertile en richesses qui recouvre le rocher. Pas un coin de terre qui n’ait été remué ; on peut dire que l’Acropole a livré tous ses secrets.