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ses colonnes, dressant ses murailles nues entre la fière colonnade du Parthénon et l’élégante tribune des Cariatides. À cette spécieuse théorie, on peut opposer bien des objections[1] ; la plus sérieuse est que, dans cette hypothèse, il est impossible de comprendre l’utilité de la tribune de l’Érechthéion. Qu’on se fasse les idées les plus larges sur le goût des Grecs en matière d’architecture, qu’on leur prête tout le dédain possible pour la symétrie, pour les perspectives régulières auxquelles l’art moderne nous a habitués ; on ne s’en refuse pas moins à se figurer les Cariatides masquées par un mur et séparées du temple voisin par un étroit passage de deux mètres. Le charmant ouvrage qu’on appelle la tribune avait été fait pour être vu. Où donc aurait-on pris le recul nécessaire ? Et comment comprendre qu’on ait aveuglé un portique dont la destination la plus claire était de ménager aux jeunes errhéphores, sévèrement recluses, le spectacle des fêtes religieuses de l’Acropole ? Suivant toute vraisemblance, le temple ne fut pas rebâti après l’invasion des Perses. Athènes allait d’ailleurs consacrer à la déesse protectrice de la cité un autre monument plus vaste et plus digne d’elle, à savoir le Parthénon. On s’est parfois étonné du long intervalle qui sépare la fin des guerres persiques de la dédicace du Parthénon ; on s’est demandé quelles pouvaient être les causes de ce retard. Les fouilles récentes nous donnent la solution du problème ; elles nous apprennent que les travaux avaient été commencés de longue date, et montrent au prix de quels efforts fut préparé l’emplacement où devait s’élever l’œuvre d’Ictinos.

Ce n’est pas au lendemain de l’invasion que les Athéniens purent songer aux travaux d’art de l’Acropole. La reconstruction des quartiers incendiés, les travaux de défense de la ville et du Pirée absorbèrent l’activité de Thémistocle. L’honneur d’avoir conçu le plan d’une restauration de l’Acropole en ruines revient à Cimon, et ce n’est pas le moindre intérêt des fouilles d’avoir mis son œuvre en pleine lumière. Œuvre ingrate à vrai dire ; car le rôle du fils de Miltiade s’est borné à accomplir les travaux préparatoires dont Périclès a recueilli le bénéfice. L’ancienne Acropole n’était qu’un roc inégal : Cimon entreprit de le niveler, d’élargir ce plateau trop étroit et de lui donner l’aspect d’une plate-forme régulière. À l’endroit le plus abrupt, là même où le sol se dérobait, il jeta hardiment les fondations du temple qui devait être le Parthénon. Pour obtenir l’espace nécessaire, il fallait gagner sur le vide plus de quarante mètres de superficie. Cimon fit construire une immense terrasse artificielle, qui s’éleva graduellement, en même temps que

  1. M. Petersen en a formulé plusieurs (Mittheil. des arch. Instituts, 1887, p. 62).